LA PAELLA DANS UNE FAMILLE FRANCAISE D’ORIGINE ESPAGNOLE Dossier cours d’anthro

LA PAELLA DANS UNE FAMILLE FRANCAISE D’ORIGINE ESPAGNOLE Dossier cours d’anthropologie de l’alimentation, second semestre 2013 Professeur : Daniel Terrolle Antoine ZAPATA N° étudiant 12310518 Photo 1 Paella valencienne dite « originelle » Sommaire INTRODUCTION 2 1 GÉNÉRALITÉS SUR LA PAELLA 2 1.1 SES ORIGINES 2 1.2 SA DIFFUSION EN ESPAGNE 4 1.3 SA DIFFUSION HORS D’ESPAGNE 5 2 LA PAELLA DANS MA FAMILLE 6 2.1 MODES DE TRANSMISSION 7 2.2 EVOLUTIONS 9 2.3 SYMBOLIQUE 12 CONCLUSION 14 TABLE DES ILLUSTRATIONS 17 BIBLIOGRAPHIE 17 2 Introduction En 1939, Anselmo ZAPATA1 capitaine dans l’armée républicaine espagnole est fait prisonnier après la défaite et interné dans un stade à Valence, d’où il s’évade pour gagner la frontière au Perthus et rejoindre en France son épouse Lola, sa fille Carmen et sa belle-mère Carmen qui l’ont précédé de quelques mois. Compte tenu de son parcours d’ancien responsable syndical anarchiste, il a peu de chances d’échapper aux inévitables exécutions épuratrices consécutives à la fin du conflit et son immigration est donc pour le moins contrainte. Il s’établit dans le Maine et Loire où il travaille comme bucheron. En 1952 il a son sixième enfant2. Il travaille dès lors comme maçon et en 1957 il s’installe en banlieue parisienne où il obtiendra en 1959 la nationalité Française. Il partira à Perpignan en 1974 pour y finir sa vie. La Paella, qui est aujourd’hui considérée comme le plat national des espagnols, est avant tout un plat de la Catalogne Valencienne. Anselmo ZAPATA est né en Andalousie, près de Grenade, mais, poussée par la pauvreté, sa famille a émigré en Catalogne alors qu’il était encore enfant. C’est là qu’il a épousé Lola, elle- même native de Barcelone. La Paella faisait donc normalement partie du bagage culturel de cette famille immigrée et c’est très naturellement qu’elle est restée le plat trait d’union des générations qui ont suivi. C’est pourquoi, à l’heure de choisir le sujet pour le dossier découlant du cours « anthropologie de l’alimentation », il est apparu à l’auteur comme une évidence de saisir cette opportunité, pour, en s’appuyant sur les enseignements du cours, tenter une analyse de type anthropologique sur la Paella dans cette famille française d’origine espagnole. Ainsi, seront évoqués les processus de transmission, les éventuelles continuités/discontinuités ainsi que les substitutions qui en découlent, et bien sûr la fonction symbolique dont est vraisemblablement 1 Anselmo ZAPATA, né en 1913, aujourd’hui décédé, est le père de l’auteur. 2 Dans l’ordre chronologique, Carmen, Aurora, Jean-Pierre (décédé), Anselme, Lolita et Antoine. 3 chargé ce plat, notamment au regard du parcours d’immigration et d’intégration du groupe familial observé. Cependant, le dossier commencera nécessairement par une présentation générale de la Paella, son historique et son évolution. 1 Généralités sur la Paella Dans l’imaginaire de la plupart des Français, le nom « Paella » évoque immanquablement l’Espagne et ils lui attribuent volontiers la qualité de plat national. Si, vu de l’étranger, cela est peut-être globalement justifié, il n’en a pas toujours été ainsi. Et même aujourd’hui, si vous parlez avec un Madrilène, un Galicien ou un Navarrais de la Paella comme étant son plat national, il sera probablement en désaccord avec cette représentation extérieure et simpliste de l’art culinaire espagnol. 1.1 Ses origines La Paella tire son nom de l’ustensile qui sert à la cuisiner. Pour les populations de langue catalane, Paella désigne tous les types de poêle, mais l’usage du mot s’est peu à peu spécialisé pour désigner communément la Paella elle-même3. L’histoire de la Paella est étroitement liée à celle du riz en Espagne orientale où sa culture est très ancienne et précède vraisemblablement l’invasion Arabe au VIIIe siècle. Cependant l’expertise agricole des envahisseurs joue un rôle décisif dans la prospérité future du royaume de valence. La lagune où il est cultivé, située en arrière du cordon littoral, va être comblée par les paysans et transformée en rizière, ce qui donnera naissance à 20.000 hectares de rizières. 3 En espagnol moderne, l’ustensile se nomme paellera, alors que pour les catalans, la paellera est la personne qui cuisine ce plat. 4 Au fil des siècles, il devient coutumier, durant les fêtes de famille et religieuses, de préparer des plats à base de riz, de poissons et d’épices, notamment de safran, qui avaient un caractère traditionnel et symbolique fort. Le riz est devenu un aliment de base et le paysan Valencien a commencé à le cuisiner avec les légumes produits dans la région, en y ajoutant des escargots et les jours de fêtes, un lapin, un poulet ou un canard. Les changements sociaux des XVIII et XIX siècle, voient se multiplier les sorties aux champs pour les jours de fêtes. C’est à ce moment-là qu’apparait la Paella Valencienne telle qu’on la connaît aujourd’hui. « Ce plat de riz, cuisiné les jours spécifiques, devient typique et s’appelle alors « Paella ». Elle est fondamentalement un plat des champs, né de la pratique culinaire des travailleurs agricoles: la poêle est parfaitement adaptée au transport et à une cuisson sur feu ouvert; le riz qu'elle permet de préparer est capable de répondre aux besoins d'un groupe de travailleurs de force et dans ses formes améliorées, notamment par l'adjonction d'un poulet ou d'un lapin, des convives d'une fête champêtre. La Paella originelle est une nourriture roborative, un plat de déjeuner4 ». La Paella originelle est donc un plat rustique de riz épicé avec du safran, cuisiné avec des légumes locaux, plus un lapin, un poulet ou un canard les jours de fête, avec éventuellement quelques escargots. Il constitue en Catalogne un véritable marqueur culturel et pour 4 La Paella dans le monde, Anthropologie historique d'un plat caméléon par Frédéric Duhart (Historien, EHESS Paris) & F. Xavier Medina (Anthropologue, Univ. de Barcelone) Conférence-débat du 9 novembre 2005 à Agropolis Museum. 5 les originaires de Valence, le monde se divise en deux catégories : ceux qui savent cuisiner et déguster la Paella5, et les autres. 1.2 Sa diffusion en Espagne A l’issue de la seconde guerre mondiale, Franco mise l’essentiel de la stratégie économique de l’Espagne sur le développement du tourisme. Un pays touristique a normalement besoin d’un plat national et la Paella, dont les couleurs (riz jauni par le safran et poivron rouge) évoquent naturellement celles du drapeau espagnol, se trouve donc mise au premier plan sur les tables des touristes dans l'ensemble du territoire national et tend à devenir l’emblème de la gastronomie hispanique. Cette politique connait un succès incontestable et réussit à en faire un plat typiquement espagnol pour les étrangers. Mais cette annexion de la Paella au service d’une politique nationale franquiste, elle-même pas toujours bien ressentie, va créer des sentiments divergents. Pour les étrangers, la Paella (vue comme un plat Espagnol et non pas Valencien) constitue le passage gastronomique quasiment obligé dans un parcours touristique codifié. Ce qui contribue naturellement, par les variations de qualité qu’elle subit au gré de la qualité des tables où elle est servie, mais aussi du fait qu’elle rappelle un héritage politique pesant, à la faire considérer parfois comme un plat surévalué fait pour être vendu plus que pour être dégusté. De fait, avec l’explosion du tourisme en Espagne, le plat va inexorablement se transformer et se standardiser. La Paella Valencienne, plat campagnard cuisiné avec les produits de la ferme, va devenir « Paella mixta », en incorporant désormais des produits de la mer, plus ou moins prestigieux, en fonction du budget disponible. C’est sous cette forme, considérée comme une hétérodoxie par les puristes Valenciens, que la Paella, après avoir conquis l’Espagne, va se diffuser hors de ses frontières. 5 Les Valenciens parlent généralement de la Paella sans préciser Valenciana, car pour eux il n’en existe pas vraiment d’autres. 6 1.3 Sa diffusion hors d’Espagne Si la Paella est connue hors d’Espagne, elle ne l’est pourtant pas autant que peuvent l’être par exemple la pizza ou le couscous. En effet, contrairement à celui-ci qui est répandu dans toute l’Afrique du nord, la Paella a une origine extrêmement locale et dans une perspective historique, son adoption par toute l’Espagne est encore récente. De plus l’émigration Valencienne n’a jamais été très importante. Elle a certes augmenté après la guerre civile en direction de l’Algérie et de la France, mais dans des proportions qui n’ont rien de comparable avec l’émigration des Italiens et de leur pizza vers les Etats-Unis. Ce n’est qu’avec l’arrivée massive de touristes en Espagne à partir des années 1960 que commence la large diffusion que nous connaissons aujourd’hui. Des restaurants espagnols prospèrent dans les pays européens, la restauration collective sert fréquemment des Paellas et la grande distribution les commercialise toutes préparées, avec plus ou moins de bonheur dans ses « interprétations », mais c’est le sort de tous les plats qui se mondialisent. Il va de soi que la Paella pratiquée en France n’a que peu à voir avec la Paella Valencienne originelle. 2 La Paella dans ma famille Des interviews de différents membres de la famille ont été réalisées, au cours desquelles des questions, plutôt ouvertes, relatives à leur relation avec la Paella ont uploads/Societe et culture/ la-paella-dans-une-famille-francaise-d-x27-origine-espagnole.pdf

  • 22
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager