1 Université Hassan II – Mohammedia Faculté des sciences juridiques économiques
1 Université Hassan II – Mohammedia Faculté des sciences juridiques économiques et sociales Cours des Grands systèmes constitutionnels Professeur Mohamed Nachet Année universitaire 2013-2014 2 Introduction La qualificatif de ‘’grands’’ systèmes constitutionnels1 soulève la question du critère sur lequel on se base pour établir la hiérarchie entre les différents systèmes constitutionnels. Et si l’on parle de grands systèmes cela suppose forcément l’existence de petits et moyens systèmes. Par ailleurs, dans ce domaine les similitudes au plan de la forme entre les grands et les petits ne sont pas exclues. Nécessairement les grands servent souvent de modèle pour les moyens et les petits systèmes. On désigne par grands systèmes constitutionnels, dans cette matière, celui de la Grande Bretagne, de la France et des Etats-Unis. Ces systèmes ont dû éclore, se développer et mûrir tout lentement. C’est un développement politique qui n’a pas eu de contraintes exogènes. Il a puisé ses énergies de l’intérieur et a pu répondre aux demandes et impératifs sociétaux internes. Ces grands systèmes ont pu se développer à partir d’une matrice sociopolitique assez féconde à savoir l’Etat/nation2. L’Etat et la Nation apparaissent dès lors comme deux réalités étroitement liées, au point qu’à partir du XIXème siècle la notion d’Etat-nation s’impose, justifiant tantôt l’unification de certains territoires ou la dislocation d’Empires englobant plusieurs entités nationales. L’Etat se caractérise alors par la congruence d’une entité politique souveraine avec un ensemble culturel unifié du point de vue territorial, linguistique ou religieux. 1 Il est à souligner que la démocratie ne s’identifie ni aux assemblées ni aux élections. Elle est beaucoup plus profonde. Elle renvoie à des valeurs démocratiques, à l’apprentissage et à la culture politique. 2 Le juriste Carré de Malberg le définit comme une "communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition". Il souligne ainsi la double acception de la notion d’Etat, qui correspond à un mode d’organisation sociale territorialement défini et à un ensemble d’institutions caractérisées par la détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la force publique. 3 Ce processus d’édification de l’Etat national sera ponctué de mise en place progressive d’un certain nombre de principes et de valeurs, règle de droit (GB), de révolutions et de déclarations universelles de droits de l’homme (Etats-Unis, France). Ce sont ces événements majeurs qui enclencheront le travail d’innovation et d’adaptation politiques. Chapitre I : La genèse des grands systèmes constitutionnels La trajectoire de chacun des trois grands systèmes étudiés lui confère une certaine spécificité. Mais néanmoins les emprunts et les influences entre ces systèmes ne sont pas négligeables. C’est le Royaume-Uni qui s’est démarqué comme étant le premier pays à tendre vers la modernité politique. C’est ce statut de pays pionnier en matière de développement politique qui lui procure ce qualificatif de modèle politique et de berceau de la démocratie. Section I : Royaume-Uni3 Ce pays entame très tôt son processus de développement politique. Un certain nombre de règles et principes vont amorcer la marche de la constitutionnalité de la monarchie. A- Le processus de constitutionnalisation 3 Le Royaume-Uni (United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland) est constitué (officiellement depuis 1707) de Nations autrefois indépendantes : l'Angleterre, le pays de Galles, l'Ecosse, et d'une partie de l'Irlande - qui fut indépendante jusqu'en 1175 et qui a retrouvé son indépendance pour les 5/6 de son territoire en 1921. Mais le Royaume-Uni de Grande-Bretagne est dominé par l'Angleterre (85% des électeurs), sous l'autorité législative du Parlement de Westminster. 4 La Grande-Bretagne4, dont la constitution est non écrite5, entame très tôt sa marche vers la mise en place d’un Etat de droit6. La Magna Carta 4 Définition du parlementarisme : Le parlementarisme britannique repose sur la prééminence du parlement. Ainsi en théorie le Parlement britannique détient la Souveraineté juridique ; c'est- à- dire que ses pouvoirs sont illimités lorsqu'il s'agit pour lui de légiférer. Aucune autorité ne peut être supérieure à la sienne et si les juges ont évidemment une certaine faculté d'interprétation de la Loi, et peuvent invoquer l'existence de droits naturels imprescriptibles, ils ne peuvent, bien entendu, rendre des décisions qui seraient formellement contraires à la Loi. Il n'existe pas, au Royaume-Uni, de Cour Suprême ou de Cour Constitutionnelle qui pourrait limiter la Souveraineté juridique du Parlement. C'est la Chambre basse du Parlement, la Chambre des Communes, qui détient aujourd'hui, depuis que sa suprématie sur la Chambre haute, la Chambre des Lords, s'est affirmée au XXème siècle, cette Souveraineté juridique. Mais, de fait, cette Souveraineté juridique n'est que théorique puisqu'elle s'exprime par le vote des lois, donc qu'elle nécessite l'existence d'une majorité parlementaire. Or, en Grande-Bretagne, du fait de l'existence du bipartisme rigide, la majorité parlementaire s'exprime réellement par la voix du Gouvernement. 5Par convention de la Constitution (convention of the Constitution) les britanniques entendent toute pratique constitutionnelle largement acceptée qui devient répétitive de telle sorte qu'un consensus apparaît. Ainsi, jusqu'en 1800 environ, les ministres sont nommés par le Roi, puis la pratique s'instaure de ne nommer que des ministres qui puissent disposer du soutien d'une majorité parlementaire, puis le Premier ministre est choisi au sein de la Chambre des Communes, puis le Premier ministre est le leader du parti qui détient dans cette Chambre la majorité. Ou, encore, le fait que le Monarque ne puisse agir que suivant l'avis du Gouvernement date d'une convention de1910. Une convention n'est donc jamais définitive. Une convention peut être légalisée : l'existence du Premier ministre a été consensuelle jusqu'en 1937, date à laquelle son existence a été institutionnalisée par une loi. Actuellement relève de la convention : l'existence du Cabinet et son organisation, le principe de la responsabilité collective du Cabinet devant la Chambre des Communes, le choix du Premier ministre et du Cabinet dans la majorité parlementaire, la plupart des droits et privilèges reconnus à l'opposition parlementaire. 6 Dès 1215, les Anglais obligèrent leur roi Jean sans Terre à signer une "Grande Charte des libertés d'Angleterre" - Carta Magna - qui limite l'arbitraire royal: le roi ne peut ni bannir, ni arrêter, ni emprisonner ses sujets comme il l'entend. Cependant cette Charte ne prévoyant aucune disposition pratique, ses articles sont diversement respectés. Il faudra attendre presque cinq siècles pour que soit mis en place un véritable mécanisme de protection des libertés individuelles, une procédure précise. C'est l'objet de la loi de 1679, dite Habeas corpus Act - l'ordre de présentation délivré par un grand juge du pays et remis au gardien de la prison s'appelle un écrit d'habeas corpus ad subjiciendum, locution latine signifiant "que tu aies ton corps pour le produire devant la justice". Les dispositions les plus significatives de cet Act (texte de loi) qui, en interdisant toute arrestation arbitraire, protège la liberté individuelle, sont les suivantes : après arrestation, tout prisonnier, personnellement ou par l'entremise de ses amis, peut adresser une demande d'habeas corpus aux services de la justice, les services de la justice envoient aux services de la prison un writ (acte délivré par la juridiction compétente pour enjoindre à celui qui détient un prévenu de le faire comparaître devant le juge ou devant la cour, afin qu'il soit statué sur la validité de son arrestation), cet acte oblige les services de la prison à présenter dans les trois jours le prisonnier 5 inaugure en 1215 cette tendance à l’édiction des règles juridiques de caractère impersonnel, général et impartial. L’habeas corpus est élaboré en 1679 et le Bill of rights (1689) à la suite de la révolution de 1688 œuvrent aussi dans ce sens. L’importance du Bill of Rights réside dans le fait qu’elle instaure la Souveraineté de la Loi. Celle-ci s'impose au Roi comme à tous ses Sujets. Elle instaure aussi le principe du consentement du Parlement à l'impôt, de son consentement pour lever et/ou entretenir en temps de paix une armée, l'illégalité de la suspension par le Roi7, sans l'autorisation du Parlement, des lois et/ou de leur application ; le droit de pétition des Sujets, l'interdiction des cautions, amendes, punitions anormales, excessives et/ou cruelles, la primauté de la Religion protestante, que les élections au Parlement doivent être libres, que la liberté de parole, de débat et de procédure, au Parlement, ne peut être mise en cause devant aucune juridiction ou aucune institution extra- parlementaire, que le Parlement doit se réunir fréquemment. La vie politique en Grande Bretagne a commencé à s’organiser dès le treizième siècle. C’est ainsi qu’en 1259 (les Statuts d'Oxford), un Parlement féodal8 permanent est institué auprès du Roi, qui est élargi à la petite noblesse et aux bourgeois en 1265. Cette évolution sera aussi enrichie au 14ème siècle. Pendant ce siècle, les représentants des communes siègeront dans ce parlement en devant le tribunal, le tribunal examine le cas du prisonnier et vérifie les charges retenues contre lui. Il peut décider en fonction de ces charges: de maintenir l'emprisonnement; de libérer le prisonnier sous caution; d'acquitter le prisonnier. 7 En 1701, par l'Acte d'Etablissement uploads/S4/ cours-des-grands-systemes-constitutionnels-cours-nachet.pdf
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- Publié le Aoû 17, 2021
- Catégorie Law / Droit
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