DROIT ADMINISTRATIF FICHE 10 - LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE L’activité admi

DROIT ADMINISTRATIF FICHE 10 - LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE L’activité administrative peut causer des dommages aux particuliers et il est naturel que ces derniers soient réparés. Il n’en a pas toujours été ainsi puisque pendant longtemps, sur le fondement de l’adage en vigueur sous l’Ancien Régime « le Roi ne peut mal faire », c’est l’irresponsabilité de l’État qui a prévalu. Sauf progressivement l’apparition de quelques textes admettant la responsabilité en certaines matières (loi du 28 pluviôse an VIII en matière de dommages de travaux publics). La responsabilité de l’État est consacrée par l’arrêt Blanco (TC 8 février 1973), qui écarte en même temps l’application des règles de droit privé et soumet la responsabilité administrative à des principes propres. Par la suite, la responsabilité de l’ensemble des personnes publiques sera consacrée (collectivités locales TC 29 février 1908 Feutry, établissements publics…) et élargie à l’ensemble des services et pour toutes sortes d’activités. Les fondements de la responsabilité se diversifieront (faute lourde puis simple, risque, rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques) et les règles d’indemnisation s’amélioreront. Les règles de responsabilité de la puissance publique sont généralement d’origine jurisprudentielle, et indépendantes des règles du code civil, et les litiges en matière de responsabilité ressortiront à la compétence du juge administratif pour l’essentiel (sauf certaines activités soumises au droit privé en vertu par exemple de dispositions législatives spéciales comme pour les dommages causés par les véhicules en vertu de la loi du 31 décembre 1957). I – LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE A – La responsabilité pour faute La faute est « un manquement à une obligation préexistante » pour reprendre la formule du civiliste Planiol. Il convient de distinguer illégalité et faute ; si toute illégalité est fautive, toute faute ne constitue pas une illégalité (négligence par exemple à l’occasion d’une intervention hospitalière par exemple). La responsabilité pour faute amène à s’interroger sur un certain nombre de distinctions. Droit administratif fiche n° 10 : la responsabilité administrative 1/9 © lagazette.fr – Tous droits réservés a) Faute personnelle et faute de service Lorsque l’administration cause un dommage à un tiers, c’est un agent de l’administration qui est à l’origine du préjudice et dont la responsabilité pourrait être engagée. Mais la jurisprudence, pour éviter l’engagement systématique de la responsabilité de l’agent, a dégagé une distinction entre la responsabilité pour faute personnelle et la responsabilité pour faute de service qui permet d’engager la responsabilité de l’administration dont relève l’agent. L’article 75 de la Constitution de l’an VIII ne permettait la mise en jeu de la responsabilité du fonctionnaire qu’après autorisation du Conseil d’État qui, en pratique, ne l’accordait presque jamais, entraînant l’irresponsabilité de fait du fonctionnaire (système dit de la "garantie des fonctionnaires"). Mais un décret-loi du 19 septembre 1870 a abrogé cet article 75. Soucieux de ne pas laisser sans protection les agents, le tribunal des conflits, par une décision du 30 juillet 1873 dans l'affaire Pelletier, se fondant sur le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, a estimé que l’agent ne peut être poursuivi devant les tribunaux judiciaires que pour faute personnelle, c’est-à-dire la faute détachable de l’exercice de ses fonctions. De cette décision naissait la distinction entre faute personnelle - engageant la responsabilité du fonctionnaire devant les tribunaux judiciaires et l’application du droit privé -, et faute de service - engageant la responsabilité de la puissance publique devant les tribunaux administratifs et l’application du droit public. La notion de faute personnelle est la faute « qui révèle l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences » pour reprendre l’expression bien connue de Laferrière. Elle peut n’avoir aucun lien avec le service (accident causé par un militaire en permission avec un véhicule personnel, CE 28 juillet 1951 soc. Standard des pétroles). Elle peut avoir été commise en dehors du service, mais être« non dépourvue de tout lien avec lui » (personne tuée par un policier manipulant à son domicile son arme de service qu’il devait conserver, CE 26 octobre 1973 Sadoudi, ou accident provoqué par le conducteur d’un véhicule militaire qui s’écarte de son itinéraire, CE 18 novembre 1949 Dlle Mimeur). Elle peut être commise dans le cadre du service, mais être détachable de celui-ci ; ainsi la faute commise avec une intention malveillante (actes de violence TC 14 janvier 1980 Dame Techer, détournements de fonds CE 21 avril 1937 Dame Quesnel, injures adressées à des collègues TC 26 octobre 1981 préfet des Bouches-du-Rhône, négligence grave d’un commissaire de police TC 9 juillet 1953 Dame Vve Bernadas). La jurisprudence se montre de plus en plus exigeante pour admettre l’existence d’une faute personnelle, et lorsqu’il n’y a pas « intention malveillante », elle a tendance à n’admettre la faute personnelle que pour les actes matériels d’exécution d’une extrême gravité (ex- médecin refusant de se rendre au chevet d’une patiente CE 4 juillet 1990 société d’assurance Le Sou médical). Droit administratif fiche n° 10 : la responsabilité administrative 2/9 © lagazette.fr – Tous droits réservés Il faut souligner qu’il y a indépendance de la faute personnelle et de l’infraction pénale (TC Thépaz 14 janvier 1935 pour un homicide par imprudence) comme de la faute disciplinaire ou encore de la voie de fait (TC Action française 8 avril 1935). Le fonctionnaire responsable est jugé par les tribunaux judiciaires qui ne peuvent en aucun cas prononcer des condamnations contre l’administration à cette occasion La faute de service est celle qui « révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur ». Il s’agit donc d’une faute commise dans le cadre du service et qui n’est pas détachable compte tenu de ses caractéristiques (pas de gravité inadmissible par exemple). Un dommage causé à un tiers peut résulter à la fois d’une faute personnelle de l’agent et d’une faute de service de l’administration : c’est le problème de la responsabilité simultanée de l’agent et de l’administration envers les tiers, c’est-à-dire le problème du cumul. Avant la décision Anguet du 3 février 1911, il n’y avait pas de double responsabilité possible ; aujourd’hui en revanche, les possibilités de cumul sont très largement admises. •en cas de pluralité matérielle de fautes (CE, 3 février 1911, Anguet accident causé à la fois par la fermeture avant l’heure réglementaire du bureau de poste et les coups des agents ; CE, 28 juillet 1951, Delville accident dû à l’ébriété du chauffeur et au mauvais état des freins). •en cas de faute personnelle commise dans le cadre du service, possibilité de cumul de responsabilités (CE, Lemonnier, 26 juillet 1918 : accident provoqué par un coup de feu lors d’une épreuve de tir au cours d’une fête foraine communale et par la grave négligence du maire donc faute personnelle). Le juge admet que puisse être recherchée la responsabilité de l’administration au choix de la victime devant le juge administratif. •en cas de faute personnelle commise en dehors du service, mais non dépourvue de tout lien avec celui-ci, cumul de responsabilités possible (ex. CE 18 novembre 1949 Demoiselle Mimeur : militaire causant un accident avec un véhicule de l’armée en s’écartant de son itinéraire normal, CE Sadoudi déjà cité, l’arme qui a causé un accident a été remise à l’agent par le service ; il en va toutefois autrement lorsque l’utilisation de l’arme a été causée par un sentiment d’hostilité personnelle, CE, Dame veuve Litzler, 23 juin 1954, p. 376). La victime peut ainsi demander au juge judiciaire de condamner le fonctionnaire, et au juge administratif de condamner l’administration, chacun pour le tout. Il n’y aura pas de cumul d’indemnités ; si la victime a été indemnisée par l’administration et si elle a poursuivi en même temps le fonctionnaire devant les tribunaux judiciaires, l’administration sera subrogée pour cette action dans les droits de la victime. Deux hypothèses peuvent alors se présenter : l’administration a été condamnée à payer et veut se retourner contre le fonctionnaire ou le fonctionnaire condamné veut se retourner contre l’administration. Droit administratif fiche n° 10 : la responsabilité administrative 3/9 © lagazette.fr – Tous droits réservés Pendant longtemps existait le principe de l’irresponsabilité du fonctionnaire envers l’administration (CE Poursines, 28 mars 1924) sauf quelques exceptions législatives ou jurisprudentielles. Le principe d’irresponsabilité se révèle toutefois plein d’inconvénients, car avec le développement de la jurisprudence relative au cumul, la victime peut, dans la plupart des hypothèses, s’adresser directement à l’administration plus solvable au lieu de poursuivre le fonctionnaire, ce qui entraîne en pratique l’irresponsabilité totale du fonctionnaire. D’où l’abandon du principe d’irresponsabilité par l’arrêt Laruelle (CE, 28 juillet 1951) qui admet l’action récursoire et la responsabilité des auteurs de faute personnelle envers la personne publique à laquelle la faute a causé un dommage soit direct, soit indirect, du fait de l’obligation pour l’État d’indemniser la victime en vertu du principe du cumul. S’il y a deux fautes matérielles distinctes, la responsabilité est partagée suivant l’importance respective des fautes ; en cas de faute unique ou si la faute de service est provoquée par l’agent, l’administration se retournera contre le fonctionnaire pour le tout. En cas de pluralité d’auteurs, chacun n’est responsable uploads/S4/ fiche-10-droit-administratif-la-responsabilite-administrative 1 .pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jul 03, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1807MB