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1 www.lautreprepa.fr DISSERTATION DROIT CIVIL 2012 LE JUGE AU CŒUR DU PROCES CIVIL Corrigé par Christophe ANDRE Le Code de procédure civile (CPC) était appelé officiellement « nouveau » jusqu’en 2007. Les codificateurs de 1971-1975 marquaient de cette façon leur volonté de rompre avec le passé en repensant à nouveau frais la physionomie du procès civil en général et la place du juge en particulier. En effet, qu’il s’agisse de la matière litigieuse ou de la conduite de l’instance, l’évolution historique est dans le sens d’un rôle central dévolu au juge, cette dynamique cherchant à le placer au cœur du procès civil. Pour parvenir à une régulation efficace du procès, deux procédés sont a priori possibles : le premier consiste à poser des règles générales et à imposer au plaideur un représentant, participant à l'ordre public (officier ministériel), pour les appliquer, le juge n'intervenant que pour arbitrer les différends non résolus entre représentants, à la demande de l'un d'eux ; le second consiste à confier au juge le soin de poser in concreto les règles particulières de l'instance et de contrôler en continu leur application. Le premier procédé a été adopté par le code de procédure de 1806, héritant en cela de l'ordonnance de Colbert de 1667. Le second est celui du code de procédure entré en vigueur en 1976. Dans l’ancien système, les acteurs de la procédure comptaient les avoués, officiers ministériels, héritiers des procureurs de l'Ancien régime. Leur compétence et leur rectitude légaliste, appuyées par une surveillance réciproque et une discipline corporatiste devaient assurer le bon fonctionnement du procès. Le juge ne participait pas normalement au scénario. Il n'intervenait que s'il était saisi par un des avoués, pour régler ce qu'on appelait un incident de procédure ; et les avoués s'efforçaient d'éviter l'incident judiciaire, en réglant entre eux les conflits. Pourtant, les avoués laissèrent peu à peu aux avocats le soin de rédiger les conclusions, ce qui leur faisait perdre la maîtrise du temps de leur signification, et donc celle du temps du déroulement de l'instance. Très naturellement, les avoués disparurent lorsqu'on adopta le second type de procédure dans lequel ils n'avaient plus leur place. Achevant la réforme de la profession d’avoué qui avait été amorcée par la loi du 31 décembre 1971 unifiant les professions d'avocat et d'avoué près des tribunaux de grande instance, la loi du 25 janvier 2011 a ainsi fait disparaître les avoués à la Cour depuis le 1er janvier 2012. Les avocats doivent désormais gérer eux-mêmes l’intégralité des procédures d’appel, ce qui contribue à simplifier la liste des acteurs : les parties et leurs conseils d’un côté, le juge de l’autre. Cependant, est-ce à dire que cela simplifie le sujet pour autant ? Loin s’en faut. D’abord, il n’est pas aisé de cerner le cœur du procès civil, même si les réformes successives adoptées depuis 1976 ont fait monter en puissance la phase de mise en état dans un souci de célérité et d’efficacité. Ensuite, et précisément, nombreux sont les avocats et les auteurs qui déplorent un rôle trop important dévolu au juge, qui remettrait en cause le principe dispositif au profit d’une procédure à la fois très dirigée et bureaucratique. Enfin, il faut tenir compte de mouvements contradictoires car, tandis que le juge de la mise en état voit son rôle renforcé, l’office du juge du fond s’est réduit, puisque le relevé d’office d’un moyen de pur droit n’est plus désormais qu’une faculté, sauf règles spéciales (Assemblée Plénière 21 décembre 2007). Afin de mettre en valeur ces tensions, qui signalent un certain vieillissement du Code de 1971-1975, il convient d’envisager successivement le juge au cœur de la matière litigieuse (I) et la juge au cœur de la conduite de l’instance (II). I- Le juge au cœur de la matière litigieuse Selon Motulsky, la clarté de la distinction entre fait et droit facilite la répartition entre l’office du juge et les pouvoirs des parties. Les parties ont la charge d’alléguer le fait (article 6 CPC) tandis que le juge est en charge du droit (article 12 CPC). Toutefois, l’avènement du principe de collaboration resserre les liens du juge avec le fait (B) sans pour autant atténuer ceux qu’il entretient déjà avec le droit (A). 2 www.lautreprepa.fr A) Le juge et le droit Les rapports entre le juge et le droit sont classiquement de deux ordres, mais leur compréhension a été troublée par la jurisprudence de la Cour de cassation. S’agissant de la conception du rôle du juge à l’égard du droit telle qu’elle ressort du Code de 1975, deux aspects saillants doivent être rappelés. D’une part, l’article 12 alinéa 1er du CPC indique que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Le juge a l’obligation de trancher, il ne peut donc pas se contenter d’inviter les parties à régler amiablement leur différend. En second lieu, le juge ne peut rendre une condamnation en se fondant sur l’équité. Cependant, l’alinéa 4 du même article prévoit la possibilité pour les parties, une fois le litige né, de demander au juge de statuer en amiable compositeur. Cela signifie que le juge est affranchi des règles de droit. Il peut néanmoins trancher le litige selon les règles de droit s’il les juge équitables compte tenu de l’affaire qu’il doit trancher. Deux conditions sont exigées : il faut un accord exprès des parties et que ces dernières aient la libre disposition de leurs droits (article 12 alinéa 4 du CPC). D’autre part, l’article 12 alinéa 2 dispose que le juge a un pouvoir de qualification des faits et actes litigieux, quelle que soit la dénomination retenue par les parties. Il convient de distinguer selon que les parties ont invoqué ou non un fondement juridique à l’appui de leurs prétentions. En l’absence de fondement juridique, il appartient au juge de qualifier les faits. Par ailleurs, l’article 12 alinéa 3 limite le pouvoir du juge en la matière. Ce dernier ne pourra pas modifier la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat. L’immutabilité du litige s’étend alors au droit et le juge perd son pouvoir de requalification. S’agissant des métamorphoses contemporaines de l’office du juge, l'assemblée plénière s’est prononcée le 21 décembre 2007 en faveur de la simple faculté pour le juge de relever d'office un moyen de pur droit, sauf règles spéciales : « si, parmi les principes directeurs du procès, l'article 12 du nouveau code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ». Ainsi, seule la qualification ou requalification serait obligatoire pour le juge, le relevé d’office d’un moyen de pur droit ne serait qu’une faculté. Cette distinction, très artificielle (comment qualifier sans prétendre invoquer une règle de droit ?) donne un tour plus accusatoire au procès civil : sauf dans les hypothèses où le relevé d’office est commandé par la loi (exemple de l’article L. 141-4 du Code de la consommation), cet solution éloigne le droit français de la conception équilibrée de l'office du juge qui était celle des rédacteurs du code de 1975 ; une conception qui parvenait toujours à se réclamer de l'idée simple suivant laquelle les parties se chargent des faits, le juge du droit (le fameux da mihi factum, tibi dabo jus : donne-moi les faits, je te donnerai le droit). Désormais les parties doivent au juge les moyens de droit, de sorte qu'on peut se demander si le juge dit encore le droit ou s'il ne fait pas que rendre un jugement arbitrant entre les prétentions des plaideurs. Or, ces prétentions sont appuyées sur des faits pour lesquels les textes donnent encore de remarquables pouvoirs inquisitoires au juge… B) Le juge et le fait La saisie du fait par le juge s’incarne dans le respect du principe dispositif et dans le cadre de l’instruction civile. En premier lieu, le principe dispositif implique que les parties introduisent (article 1er) et conduisent l’instance (article 2). Toutefois, le principe de coopération donne au juge la charge de veiller au bon déroulement de l’instance (article 3). Il appartient dès lors aux parties de déterminer l’objet du litige par leurs prétentions respectives (article 4 CPC), étant précisé que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. Telle est la première limite au pouvoir du juge relativement à l’instance civile. En effet, le juge ne peut statuer ni infra petita ni ultra petita. S’agissant de l’infra petita, le juge ne doit pas négliger de se prononcer sur la demande d’une des parties, auquel cas l’article 463 du CPC permet au plaideur victime d’obtenir une rectification du jugement. La même procédure uploads/S4/ juge-de-la-mise-en-etat.pdf
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- Publié le Nov 11, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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