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Contenu Menu Recherche Le coronavirus et ses conséquences sur les contrats, cas de force majeure ou cause d’imprévision ? Par Elsa Haddad, Avocat et Charlotte Delaunay. - vendredi 27 mars 2020 Lecture "Expert" Outre les effets sur la santé publique, le Covid-19 entraine avec lui de lourdes conséquences juridiques. Le virus, désormais qualifié de pandémie, a forcé plusieurs gouvernements notamment en Chine et en Europe, à fermer les frontières pour éviter la propagation de la maladie sur leurs territoires. Par ailleurs, des mesures de confinement des populations ont été prises au niveau mondial afin d’endiguer le développement du virus. Toutes ces décisions ont, par voie de conséquence, un impact sur l’exécution des contrats commerciaux en cours, nous tacherons ainsi de répondre aux questions que vous pouvez légitimement vous poser. Vous êtes le débiteur d’une obligation contractuelle et vous souhaitez résilier le contrat pour force majeure ? Vous-vous demandez si le Coronavirus et ses conséquences peuvent conduire à la renégociation d’un contrat pour cause d’imprévision ? Il convient avant tout de rappeler le principe qui gouverne le droit des contrats, posé à l’article 1103 du Code civil : « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Ce principe général du droit est un rappel de l’adage latin « Pacta sunt servenda » qui souligne l’obligation pour chaque partie à un contrat de respecter ses engagements et pour les tiers, notamment le juge, de ne pas s’ingérer dans les affaires d’autrui. 116 Partages Néanmoins, l’article 1218 du Code civil prévoit une exception à ce principe, le cas de force majeure. Le texte pose en effet qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement réuni trois conditions cumulatives : un événement imprévisible : l’événement échappe au contrôle du débiteur de l’obligation en ce qu’il ne pouvait, par aucun moyen, être anticipé ou prévu au moment de la conclusion du contrat. un événement irrésistible : les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, ainsi il est impossible d’éviter les conséquences de l’événement malgré le fait que tout ait été mis en œuvre pour les réduire ou les éviter. Malgré les précautions, les conséquences sont inévitables. un événement extérieur : qui échappe au contrôle des personnes soumises au contrat ou à leur volonté. En cas de litige sur la caractérisation du cas de force majeure, c’est au juge qu’il appartient de trancher, ce qui permet d’éviter les abus. Lorsque la force majeure est caractérisée, elle a pour principale conséquence d’exonérer une personne ou une entité de toute responsabilité mais elle peut aussi permettre de s’acquitter d’une procédure en principe obligatoire (c’est notamment le cas de la procédure de licenciement). Aussi, il importe de bien qualifier au regard des circonstances et de la rédaction de votre contrat, quel sorte d’évènement constitue le Coronavirus dans votre cadre contractuel (I) mais également dans vos relations avec vos salariés (II). I. L’impact du coronavirus sur votre cadre contractuel. A. Le Coronavirus, un cas de force majeure ? Bruno Lemaire, le ministre de l’économie a précisé lors d’un discours tenu le vendredi 28 février 2020 que le Coronavirus sera considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises. Néanmoins, en application du principe de la séparation des pouvoirs, la qualification de « force majeure » retenue par le Ministre de l’économie ne s’impose pas aux juges. Par ailleurs, bien que la force majeure soit définie juridiquement par le Code civil, les parties ont la liberté d’aménager contractuellement cette définition. Dés lors, toute la réflexion va dépendre de la manière dont les entreprises ont rédigé les clauses de force majeure dans leurs contrats. 116 Partages A ce titre, l’article 1351 du Code civil prévoit que l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement été mis en demeure. Ainsi, le texte prévoit la possibilité pour les parties à un contrat de prévoir contractuellement que le contrat sera exécuté même en présence d’un cas de force majeure, elles refusent alors la possibilité de s’en prévaloir. S’agissant du Coronavirus, deux questions se posent quant à la caractérisation des conditions cumulatives nécessaires à la qualification de force majeure : Sur le critère de l’irrésistibilité : était-il possible d’éviter les effets de ce virus par la mise en place de mesures appropriées ? Sur le critère de l’imprévisibilité : au moment de la signature du contrat par les parties, pouvaient-elles légitimement ignorer la survenance des événements actuels ? Avant d’envisager une réflexion propre à la situation actuelle, il convient de se référer à l’état de la jurisprudence antérieure. D’abord, lors de l’épidémie de Dengue touchant la Martinique, la Cour d’Appel de Nancy, dans un arrêt du 22 novembre 2010, RG n°09/00003, a considéré qu’il n’y avait pas de caractère imprévisible en raison du fait que la maladie était propre à ce territoire et touchait un grand nombre de la population. Par ailleurs, le critère de l’irrésistibilité n’a pas été reconnu eu égard à l’existence de moyens de prévention. Ensuite, plus récemment, avec le virus du Chikungunya, la Cour d’appel Basse- terre, dans un arrêt du 17 décembre 2018, RG n°17/00739 a refusé de considérer que cette épidémie avait un caractère imprévisible et irrésistible car elle pouvait être soulagée par des antalgiques et était, dans la majorité des cas, surmontable. De plus, dans le cas d’espèce, l’hôtel qui se prévalait de la force majeure pouvait encore honorer sa prestation durant la période de l’épidémie. A propos du Coronavirus et des effets qu’il a sur la santé publique, il est possible de considérer que la pandémie actuelle ne remplit pas le caractère d’irrésistibilité en ce sens qu’elle est surmontable pour la majorité des personnes atteintes par la maladie. 116 Partages Néanmoins, si l’existence même du virus ne permet pas de constituer un événement de force majeure, ses conséquences pourraient être qualifiées d’imprévisibles et d’irrésistibles. Première conséquence du virus : La saturation des hôpitaux annoncée pourrait empêcher le personnel soignant de s’occuper de tous les malades, ce qui remplirait alors le critère d’irrésistibilité. Deuxième conséquence du virus : Les décisions administratives contraignantes prises progressivement dans le but d’empêcher la propagation du virus telles que l’interdiction des rassemblements, la fermeture des restaurants et finalement le confinement total de la population, entrainent une suspension de l’activité de la majorité, voire de la totalité des acteurs économiques. Ainsi, du fait de son caractère exceptionnel, cette conséquence pourrait être reconnue comme constitutive d’un cas de force majeure. En outre, au regard des mesures actuelles, qui sont sans précédent et d’une portée considérable, il semble possible de caractériser la situation de force majeure. B. Le Coronavirus, une cause d’imprévision ? A l’origine, c’est l’arrêt Canal de Craponne de 1876 la question qui était posée à la Cour de cassation était celle de savoir s’il était possible de porter atteinte aux prévisions contractuelles des parties, dés lors que des circonstances économiques attachées au contrat avaient changées. A cette époque, la Cour de cassation répondait par la négative en faisant prévaloir le principe de la force obligatoire des contrats et rejetait l’hypothèse d’une révision du contrat par le juge, même en présence de circonstances affectant l’équité. Cette solution doit être interprétée en ce sens que le juge n’a pas la possibilité de modifier l’accord passé entre les parties. En revanche, les parties sont libres de prévoir dans leur contrat des mécanismes permettant de le réviser afin de prévenir le risque de survenance de circonstances économiques de nature à bouleverser l’équilibre contractuel. Depuis cet arrêt, la théorie de l’imprévision a été codifiée dans le Code civil à l’occasion de la réforme du droit des contrats et des obligations. 116 Partages En effet, l’article 1195 du Code civil prévoit la possibilité pour une partie de demander la renégociation du contrat à son cocontractant dés lors que trois conditions sont réunies : un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat : le juge devra adopter une analyse in abstracto, en comparant l’attitude des parties à celle qu’un professionnel raisonnablement prudent, placé dans la même situation. rendant son exécution particulièrement onéreuse : cette condition étant subjective, elle est laissée à l’appréciation souveraine du juge. pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque Ainsi, une partie qui disposerait de solutions permettant de contourner les effets du Coronavirus par la mise en oeuvre de mesures, rendant la force majeure difficilement invocable, pourrait demander une renégociation du contrat à son cocontractant si les mesures appropriées sont particulièrement onéreuses. Néanmoins, en application du principe de liberté contractuelle, il est possible que les parties aient aménagé contractuellement l’imprévision, bien que cette dernière fasse l’objet d’une définition légale. Il faudra alors analyser la clause contractuelle et les mécanismes mis en place par les parties dans le contrat pour déterminer si une partie peut se prévaloir de l’imprévision pour faire face aux changements de circonstances économiques. En outre, il est fort probable uploads/S4/ le-coronavirus-et-ses-consequences-sur-les-contrats-cas-de-force-majeure-ou-cause-d-x27-imprevision-par-elsa-haddad-avocat-et-charlotte-delaunay.pdf
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- Publié le Sep 04, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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