- 1 - LES ANARCHISTES DE DROITE François Richard PUF, coll. « Que sais-je ? » n

- 1 - LES ANARCHISTES DE DROITE François Richard PUF, coll. « Que sais-je ? » n°2580 INTRODUCTION  Le contexte historique : l’anarchisme est né, sous sa forme moderne, à la fin du 19e siècle. Ce refus de toute autorité instituée, que l’on peut considérer comme une apothéose libertaire, a de nombreux antécédents politiques et philosophiques (Diogène le Cynique, Zénon d’Elée, Etienne de La Boétie, Jean Meslier, William Godwin) mais il trouve son expression réelle, dans les récits et dans les faits, il y a environ un siècle, quand les fondements de la civilisation industrielle apparaissent solidement établis, au moment où l’ordre du monde occidental semble définitivement scellé par le goût du profit et que les anarchistes de toutes tendances refusent violemment au nom des droits, des devoirs et du devenir de l’homme (L. Bloy). « La domination de l’argent est absolue » (E. Drumont). Le contexte est d’autant plus propice à ces libertaires irréductibles que le nouvel état des choses s’accompagne de bouleversements sociaux considérables, d’une perte de légitimité des systèmes politiques en vigueur, monarchies et démocraties bourgeoises, et d’une accélération sensible de l’histoire. C’est « la non-vie » de Michel-Georges Micberth, la « société-ruche » de Chateaubriand.  L’anarchisme sous une triple forme : o Un anarchisme brut (Max Stirner) o Un anarchisme de gauche (Proudhon, Bakounine, Kropotkine) o Un anarchisme de droite ou aristocratisme libertaire, qui constitue une remise en question radicale des principes de 1789 et des nouvelles données socio- politiques du monde occidental, non pas dans une perspective contre- révolutionnaire mais au nom d’une révolte individuelle contre tous les pouvoirs institués (Darien, Nimier).  L’anarchisme de droite (Bloy, Drumont, Jacques d’Arribehaude) : Face au Moi devenu fou de Max Stirner, qui représente un individualisme porté à son paroxysme, face aux élans généreux mais irréalistes de la gauche libertaire, face à la démocratie bourgeoise et affairiste, l’anarcho-droitisme paraît être la seule tendance politico- philosophique des Temps modernes à ne pas refléter cet emballement des êtres et des choses, à se faire l’écho des valeurs fondamentales (Gobineau, Micberth, Roger Nimier, Bernanos, Léon Bloy, Léautaud).  Baroques et libertins : des anarchiques de droite : Peter Nagy évoque à ce sujet, dans Libertinage et révolution, une anarchie de droite, quand il écrit à propos du mouvement libertin qu’il a été « une lutte de libération – anarchique si l’on veut – contre les normes rigides de pensée et du comportement » ; et il faut rappeler à ce propos que l’idéologie de droite originellement aristocratique, fondatrice des valeurs de l’Ancien Régime, qui n’a rien à voir avec les partis droitiers contemporains, a vu se développer assez vite, en son sein, nombre d’esprits forts, d’individualités turbulentes et de seigneurs irréductibles, qui assumaient librement leur destinée personnelle en - 2 - lisière du pouvoir monarchique et qui se sont révélés ainsi les géniteurs les plus vivaces de la philosophie libertaire française. Dès le 16e siècle, on signale à la cour des cas d’irréligion agressive ; plus tard, une vie violente et tumultueuse s’organise autour des « cabarets d’honneur ». On affiche le mépris des valeurs établies, on veut « vivre comme des dieux » et « se délivrer des opinions vulgaires », sans mettre « rien de bas dans ses actions ». Des gens comme Brantôme, Montlue, Béroalde de Verville, Vauquelin de La Fresnaye, Bodin, Serres – « penseurs autonomes » – cultivent une morale aristocratique, peu orthodoxe, qui les situe, disent-ils, « au-delà du bien et du mal », glorifient « l’honnêteté », et « la vertu » et prétendent « s’adonner aux pires désordres sans déchoir ». Plus tard, les libertins développeront les mêmes conceptions politico-philosophiques, en les enrichissant d’une vision cyclique de l’histoire. Ils se réfèrent à l’épicurisme, à un christianisme éclairé, ou un véritable matérialisme athée, comme Cyrano de Bergerac ou Des Barreaux. Ils proclament une contestation radicale du pouvoir monarchique. La seule attitude digne de l’homme réside dans sa capacité à affronter le néant qui cerne son existence. Les libertins du 17e siècle ont préparé le terrain à ceux du 18e siècle qui achèveront cette œuvre de « décomposition de la féodalité théocratique », selon les termes de Pierre Klossowski, et donneront naissance à « l’individualisme aristocratique ». Ces anarchiques de droite ont donc détruit les bases du pouvoir monarchique, en soulignant de toutes les manières possibles son illégitimité. Les anarchistes de droite font plus souvent référence à la monarchie fondatrice – celle du 13e siècle – et surtout à la chevalerie, qu’aux époques plus récentes pendant lesquelles les idéaux aristocratiques leur semblent avoir été pervertis par les réalités politiques (Barbey, Bloy, Drumont, Gobineau, Bernanos). Cela ne signifie pas pour autant qu’il y ait une filiation précise, absolue, entre baroques et libertins d’un côté et anarchistes de droite de l’autre : d’abord parce que l’histoire ne suit pas un cheminement aussi linéaire, ensuite parce que les libertins de la fin du 18e siècle se sont révélés incapables d’aller au-delà de cet effondrement de la monarchie qu’ils avaient provoqué et de créer de nouvelles valeurs pour les générations futures, enfin parce que l’avènement de la pensée progressiste va modifier de fond en comble le paysage politique de notre pays. C’est d’ailleurs en tenant compte des affinités qui existent entre cette anarchie de droite baroque et libertine et l’anarcho-droitisme contemporain que l’on peut donner une définition précise de l’anarchisme de droite ; il s’agit d’une révolte individuelle, au nom de principes aristocratiques, qui peut aller jusqu’au refus de toute autorité instituée. On ne peut confondre cet anarchisme de droite avec le pur et simple individualisme, dénomination assez vague qui peut désigner tout aussi bien l’anarchisme stirnérien qu’une certaine forme d’esprit bourgeois, des conceptions romantiques ou des préceptes nietzschéens (Galtier-Boissière, Cavanna). I. Le refus de la démocratie A. Le refus des principes démocratiques Bernanos, Jean Anouilh, Drumont, Rabatet, Léautaud, Daudet B. L’opposition politique Jacques Perret - 3 - C. Rejet de l’universalisme démocratique Ph. Ariès, Vandromme, J. Arribehaude, E. Burke II. La haine des intellectuels A. Les « Intellectuels » ont le mal du réel Bernanos, Les Grands cimetières sous la lune Céline, Le Voyage Pauwels, La Droite la plus bête du monde J. Laurent, Mauriac sous de Gaulle Rabatet, Les Décombres Vandromme, La Politique littéraire de François Mauriac … l’emportement de Micberth contre la nouvelle droite d’A. de Benoist…. Les anarchistes de droite sont contre les intellectuels de gauche comme de droite (Nimier, Jerry Rubin). B. L’illusion progressiste Evolution globale vers un mieux être : Descartes (Discours de la méthode), A. Comte (Le Progrès des Lumières), Condorcet (L’Age d’or est devant nous), J. Marx, les anarchistes de gauche et les théoriciens du socialisme, les surréalistes nourris de freudo-marxisme ; Sartre (Temps modernes), l’ultra-gauche des années 1970 qui cherchait une révolution du côté du Désir (« Il faut faire découler l’exigence révolutionnaire du mouvement même du désir », écrivait G. Hocquenghen en 1972), constituent la chaîne ininterrompue de l’illusion progressiste. Comme Nietzsche et Max Scheler, les anarchistes de droite pensent qu’en dépit de très appréciables améliorations techniques, l’Occident vit une ère de décadence évidente, « ce temps de mysticité niaise et de matérialisme grossier » (Barbey). « Le premier caractère de notre espèce humaine est d’être imperfectible » (Babatet). Bernanos, Les Enfants humiliés C. De la perversion au terrorisme idéologique Marcel Aymé, Le Confort intellectuel J. Laurent, P. Ory. Selon P. Vandromme, le progressisme apparaît comme le « refuge du conformisme totalitaire ». III.Une révolte constitutive A. La révolte est un devoir intellectuel et moral Les anarchistes de droite, que les hommes de gauche appellent « des nihilistes de droite » ou « des fascistes honteux », qui cultivent « la volonté d’être libres, de ne pas se courber devant les conformismes » jugés par eux « particulièrement méprisables » rejettent toute appartenance à quelque institution que ce soit, et estoquent durement ceux qui ont tendance à pactiser avec le pouvoir, pour satisfaire une vanité personnelle (R. Mallet). Pour les anarchistes de droite, la révolte est un devoir intellectuel et moral (Bloy, Darien, A. Breton, Bernanos, Drumont, J. Perret, Pol Vandromme, Céline, M. Aymé). - 4 - Est-ce à dire que l’anarchisme de droite est une philosophie de l’action qui conduit tôt ou tard à la violence ? Pour ce qui concerne la littérature anarcho-droitiste, s’il est vrai qu’elle se caractérise souvent par sa rudesse verbale et sa force polémique, elle ne vante cependant jamais les violences collectives, bien au contraire. Pour tous ces hommes qui tentent de mettre en forme, en œuvres et en actes, une synthèse entre l’anarchisme – les aspirations libertaires – et l’aristocratisme – la volonté de rigueur – il n’y a pas de dynamique de vie possible, de réalisation de l’être dans sa totalité, sans cette vertu de désobéissance qui peut, seule, faire échec, selon eux, à l’enrégimentation démocratique du siècle, à l’universalisme socio-économique qui la caractérise et à cette véritable guerre planétaire que les membres de l’idéologie dominante ont entreprise contre les réfractaires (R. Poulet). B. La révolte est un devoir uploads/S4/ notes-sur-les-anarchistes-de-droite-f-richard-puf.pdf

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  • Publié le Jan 22, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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