SPINOSI & SUREAU SCP d’Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation 16 Bo

SPINOSI & SUREAU SCP d’Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation 16 Boulevard Raspail 75007 PARIS CONSEIL D’ETAT SECTION DU CONTENTIEUX QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALIT É Tendant à faire constater qu’en édictant les dispositions de l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure telles qu’issues de l’article 1er de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme – lesquelles créent un dispositif d’interdiction administrative de sortie du territoire de ressortissants français –, le législateur a, d’abord, porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir ainsi qu’au droit au respect de la vie privée, ensuite, méconnu le principe de légalité des délits et des peines ainsi que l’exigence de prévisibilité de la loi, puis, porté atteinte au droit au recours effectif et, enfin, méconnu sa propre compétence en affectant des droits et libertés que la Constitution garantit. POUR : Le Syndicat de la Magistrature. SCP SPINOSI & SUREAU, avocat au conseil d’État Question posée à l’appui la requête déposée le XXXX mars 2015 à l’encontre du décret n° 2015-26 du 14 janvier 2015 et de l’instruction du 18 février 2015 relative à la mesure administrative d’interdiction de sortie du territoire des Français 2 Sur l’applicabilité au litige I. La présente question prioritaire de constitutionnalité tend à faire constater la non-conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure, telles qu’issues de l’article 1er de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, en ce qu’elles disposent : « Tout Français peut faire l’objet d'une interdiction de sortie du territoire lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il projette : 1° Des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ; 2° Ou des déplacements à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français. L'interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre de l'intérieur pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification. La décision est écrite et motivée. Le ministre de l'intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours après la notification de la décision. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. Lorsque les conditions en sont réunies, l'interdiction de sortie du territoire peut être renouvelée par décision expresse et motivée. Elle est levée aussitôt que ces conditions ne sont plus satisfaites. Les renouvellements consécutifs d'une interdiction initiale ne peuvent porter la durée globale d'interdiction au-delà de deux années. La personne qui fait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire peut, dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa 3 saisine. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures ouvertes aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. L'interdiction de sortie du territoire emporte dès son prononcé et à titre conservatoire l'invalidation du passeport et de la carte nationale d'identité de la personne concernée ou, le cas échéant, fait obstacle à la délivrance d'un tel document. L'autorité administrative informe la personne concernée par tout moyen. Dès notification de l'interdiction de sortie du territoire, et au plus tard dans les vingt-quatre heures à compter de celle-ci, la personne concernée est tenue de restituer son passeport et sa carte nationale d'identité. Un récépissé valant justification de son identité est remis à la personne concernée en échange de la restitution de son passeport et de sa carte nationale d'identité ou, à sa demande, en lieu et place de la délivrance d'un tel document. Ce récépissé suffit à justifier de l'identité de la personne concernée sur le territoire national en application de l'article 1er de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité. Le fait de quitter ou de tenter de quitter le territoire français en violation d'une interdiction de sortie du territoire prise en application du présent article est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Le fait, pour toute personne s'étant vu notifier une décision d'interdiction de sortie du territoire, de se soustraire à l'obligation de restitution de son passeport et de sa carte nationale d'identité est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 € d'amende. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de mise en œuvre du présent article, s'agissant notamment des modalités d'établissement du récépissé mentionné au neuvième alinéa ». II. Le litige à l'occasion duquel cette question a été soulevée procède du recours en annulation formé par le Syndicat de la Magistrature à l'encontre des dispositions des articles 1er, 2 et 3 du décret n° 2015-26 du 14 janvier 2015 relatif à l’interdiction de sortie du territoire des 4 ressortissants français projetant de participer à des activités terroristes à l’étranger, ainsi qu’à l’encontre des dispositions de l’instruction relative à la mesure administrative d’interdiction de sortie du territoire des Français prononcée en application de l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure en date du 18 février 2015. Or, d’une part, les dispositions des articles 1er, 2 et 3 du décret du 14 janvier 2015 ont bien été adoptées en application des dispositions contestées issues de l’article 1er de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014, les premières ayant pour objet de préciser les modalités de délivrance du récépissé valant justification de l’identité remis aux personnes qui font l’objet d'une décision d'interdiction de sortie du territoire français en application de l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure. De plus, ces dispositions règlementaires ont fixé les conditions dans lesquelles la personne visée par une telle interdiction administrative de sortie du territoire pourra, à l'issue de la mesure, obtenir la délivrance d'un nouveau titre. D’autre part, l’instruction du 18 février 2015 a explicitement pour objet la « mise en œuvre de la décision administrative d’interdiction de sortie du territoire », dispositif créé par les dispositions litigieuses issues de l’article 1er de la loi du 13 novembre 2014. III. De sorte qu’à n'en pas douter, ces dispositions de l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure issues de l’article 1er de la loi précitée sont bien applicables au litige né de la requête tendant à l’annulation des dispositions règlementaires – étant rappelé qu’une « disposition est regardée comme applicable au litige si elle n’est pas étrangère au débat contentieux, qu’elle entretient un lien suffisant avec lui. Et le doute profite à l’auteur de la question » (Alexandre Lallet et Xavier Domino, « An I ap. QPC », AJDA 2011, p. 375). Puisque ces dernières ont été prises en application des premières, l’annulation des dispositions législatives contestées par la présente question prioritaire de constitutionnalité privera nécessairement de tout fondement les dispositions règlementaires objet du recours en annulation devant le Conseil d’Etat. 5 La condition de l’applicabilité au litige est donc parfaitement et indiscutablement remplie quant à ces dispositions législatives. Sur l’absence de déclaration de constitutionnalité antérieure IV. Les dispositions de l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure ont été créées par l’article 1er de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Or, ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel. D’une part, la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme n’a pas fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité a priori au titre de l’article 61 de la Constitution. D’autre part, les dispositions de l’article 1er de cette même loi n’ont pas davantage été examinées par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une décision prise sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution. La condition d’absence de déclaration préalable de conformité est, elle aussi, parfaitement remplie. Sur le caractère sérieux V. Il en va de même de la troisième condition de renvoi en ce qu’en édictant les dispositions litigieuses portant création d’un dispositif inédit d’interdiction administrative de sortie du territoire visant les ressortissants français, le législateur a porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir ainsi qu’au droit au respect de la vie privée, atteintes constitutives, en soi, d’une inconstitutionnalité que le juge constitutionnel ne saurait admettre. 6 Au surplus, l’inconstitutionnalité de ces dispositions est d’autant plus flagrante qu’elles méconnaissent également le principe de légalité des délits et des peines ainsi que l’exigence de prévisibilité de la loi. En outre, les dispositions litigieuses ont porté atteinte au droit au recours effectif. Enfin, le législateur a méconnu sa compétence en affectant ces droits et libertés uploads/S4/ qpc-interdiction-de-sortie.pdf

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  • Publié le Nov 02, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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