60 PNINA ABIR-AM finally drove ChargafT out of his last refuge and compelled hi
60 PNINA ABIR-AM finally drove ChargafT out of his last refuge and compelled him to write this enormously interesting testimony of a dramatic life story. Chargaff - who said that scientists have only career stories to tell - demonstrates just the opposite. It is not accidental that the author's extensive alienation from science caused him to cast his critical and anti-hero perspective in such a unique literary form. Si rv C t-) et- MERKO D. GRMEK* LA LÉGENDE ET LA RÉALITÉ DE LA NOCIVITÉ DES FÈVES Les médecins de la Grèce classique ont bien compris l'importance du milieu pour le maintien de l'équilibre des composants de l'or- ganisme. Ils étaient conscients de l'écologie de la santé. Des traités attribués à Hippocrate, ceux précisément qu'on a pris l'habitude d'encenser le plus, apprécient à sa juste valeur le rôle que l'air, le sol et les eaux jouent dans l'étiologie des maladies. D'autres textes de ce même Corpus Hippocraticum abordent avec une pénétration philosophique remarquable et avec une maîtrise technique impres- sionnante les problèmes médicaux de ralimentation et de l'exercice. Ces mêmes auteurs ont noté la nature héréditaire de l'épilepsie, du strabisme, de certaines malformations. Dans des cas privilégiés, celui de la goutte, maladie qui mieux que toute autre correspondait au schéma fondamental de la pathologie humorale, et celui de la phtisie pulmonaire, ces praticiens ont approché la compréhension de quel- ques règles du jeu complexe de l'inné et de l'acquis. Ils ont entrevu l'imbrication nécessaire des facteurs internes et externes, de la dispo- sition et de la cause déclenchante. Mais il y a des états pathologiques où cette double causalité est si compliquée que la raison n'arrive plus à suivre le fil de toutes ses connexions. Dans de tels cas, il arrive qu'on refuse de voir une par- celle de la réalité pour ne pas compromettre la rationalité de la vision d'ensemble. Il est possible que, pour satisfaire à ce besoin de cohérence, on ait * École Pratique des Hautes Études, 22, rue des Écoles, 75005 Paris. 62 MiRKO D . GRMBK dû réprimer certaines intuitions de la période archaïque. Un bon exemple est la notion d'infection qui, entourée de son aura de souil- lure magico-religieuse, ne trouva pas grâce aux yeux des champions de la médecine rationnelle. Du coup, une série d'événements de la pratique médicale quotidienne devenaient invisibles. Il est donc possible que, de ce fait, on ait jeté aux poubelles de la superstition quelques fruits de l'imagination dans lesquels la pulpe mystique cachait trop bien le noyau dur de la vérité. Et on empêcha ainsi ce noyau d'être le germe d'une théorisation ultérieure conforme aux exigences de la rigueur scientifique. Nous examinerons de près l'histoire d'un thème médical où, peut-être, la pensée magique se trouva, à un certain moment, plus proche de la realité que la raison stricte. LA LÉGENDE: L'INTERDICTION PYTHAGORICIENNE ET LES TENTATIVES ANCIENNES DE SA JUSTIFICATION Une règle de conduite assez surprenante, kûamôn apéchesthai - s'abs- tenir des fèves, fait partie des sûtnbola pythagoriciens, precepts concis dont le sens ésotérique échappait au commun des mortels.1 Depuis l'Antiquité classique, cette interdiction n'a cessé d'intriguer les phi- losophes et les historiens. On l'attribuait à Pythagore lui-même, sage exemplaire du VIe siècle avant J.-C, mais Aristote savait déjà que l'oeuvre personnelle de ce maître à penser ne pouvait être clairement dégagée de l'ensemble des données relatives à la confraternité py- thagoricienne. La figure historique et l'enseignement de Pythagore sont voilés par la légende, transformés au fil des récits tardifs qui divinisent le chef charismatique et, par un effort de systématisation 1 Cette formulation de l'interdiction concernant les fèves se trouve chez plusieurs au- teurs antiques, par exemple PLUTARQUE, De educatione puerorum 17; DIOGÈNE LAËRCE, Vi- tae philosophorum VIII 23; PORPHYRE, Vita Pythagorae 44; JAMBLIQUE, Vita Pythagorica 109. Pour la signification générale des symboles pythagoriciens, voir JAMBLIQUE, op. cit., 103- 105 (nous nous sommes servi de l'édition critique de L. DEUBNER, Leipzig, Teubner, 1937, et de l'édition révisée et commentée par M. VON AIBRECHT, Zurich et Stuttgart, Artemis, 1963). La nocivité dès fèves 63 platonisante, noient sa pensée originelle dans une doctrine plus hel- lénistique qu'archaïque.* Soulignons d'emblée deux aspects particuliers de la documenta- tion historique sur laquelle repose notre connaissance du précepte pythagoricien se rapportant à la fève. D'une part, les textes conservés qui en témoignent directement ne remontent pas au-delà du 1er siècle avant J.-C. (il s'agit des auteurs latins, tels que Cicéron et, par allusion assez vague, Horace), voire même, en considérant seulement les sources grecques, au IIe siècle après J.-C. (Plutarque, Lucien de Samosate, Artémidore, Clément d'Alexandrie). Aucune information ne nous est parvenue sur les mots exacts dont se serait servi Pythagore pour formuler cette mise en garde. Et si nous connaissons les vers d'Empédocle et de Calli- maque sur la fève ainsi que quelques opinions des auteurs du IVe siècle avant J.-C, notamment d'Aristote et d'Aristoxène, c'est seulement grâce aux citations par leurs lecteurs.3 D'autre part, la multiplicité des témoignages gréco-romains sur ce sujet, leur recours aux auteurs antérieurs et le caractère pour eux déjà incompréhensible de l'interdiction en question, nous font croire qu'elle est effectivement antérieure à la période classique de la civi- lisation grecque. En bref, il nous semble qu'on peut raisonnablement attribuer à Pythagore, ou du moins à la communauté pythagoricienne de Crotone, une attitude particulière vis-à-vis de la fève, mais sans pouvoir af- firmer que c'est, historiquement, sa véritable origine et sans connaître 2 II est indispensable de consulter les chapitres sur Pythagore, Empédocle et les néo- pythagoriciens dans H. DŒLS et W. KRANZ, Die Fragmente der Vorsokratiker, 6e éd., Berlin, 1951. Quant aux publications modernes sur la personnalité et l'oeuvre de Pythagore, la réalité historique de la communauté de Crotone et les racines du néopythagorisme, rap- pelons surtout A. DELATTE, Études sur la littérature pythagoricienne, Paris, Champion, 1915; I. LÉVY, Recherches sur les sources de la légende de Pythagore, Paris, Leroux, 1926 ; K. VON FRITZ, Pythagorean politics in Southern Italy, New York, Columbia Univ. Press, 1940; W. BURKERT, Weisheit und Wissenschaft : Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon, Niirn- berg, H. Cari, 1962, et C. J. D E VOGEL, Pythagoras and early pythagoreanism, Assen, Van Gorcum, 1966. 3 La doxographie fondamentale sur ce sujet a été rassemblée par AULU-GELLE, Nodes Atticae IV 11, 1-12. Voir le texte établi et traduit par R. MARACHE (Paris, Les Belles Let- tres, 1967, pp. 208-211). 64 Mntxo D. GRMEK la formulation exacte du précepte primitif. La parole du maître de Samos, le fameux ipse dixit, n'a pas franchi la barrière du temps. Quelques générations à peine après la mort de Pythagore, on ignorait totalement les motivations conscientes et les justifications initiales de son interdiction. Mais en quoi au juste consiste la règle pythagoricienne? Précisons tout d'abord que l'interdiction concerne un légume ap- pelé en grec kûamos et que son identification avec la fève, Vicia faba L. (= Faba vulgaris Mônch), ne fait aucun doute. La fève est originaire soit de l'aire géographique située au sud de la Caspienne, soit de l'Afrique du Nord. Elle existait à l'état sauvage spontané en Perse et dans le Maghreb. Son usage alimentaire, sa culture et son expansion dans le pourtour de la Méditerranée re- montent à la Préhistoire.4 On a trouvé des graines de ce légume dans des sites archéologiques très anciens en Italie, dans des palafittes de Suisse et dans des tombes égyptiennes de l'époque pharaonique. Sa présence a été également constatée dans les tombes mycéniennes et dans les ruines de Troie à partir des couches qui datent de l'Age de bronze ancien. Homère compare le rebondissement de la flèche sur la cuirasse de Ménélas aux sauts de « fèves noires » lors du vannage, ce qui suppose la familiarité de ses auditeurs avec cette activité ru- rale.5 Les fèves de l'Antiquité étaient plus petites que celles de la période moderne, mais il s'agissait bien des variétés ancestrales de Vicia faba et non pas d'une espèce similaire aujourd'hui disparue ou négligée par les agriculteurs. D'après la description botanique de Théophraste, il est certain que le terme grec kûamos (traduit en latin constamment par faba) désigne en premier lieu la fève, aussi bien la plante entière que les graines destinées à la consommation.6 Toutefois, il faut distin- guer le substantif kûamos tout court ou la désignation kûamos Hel- lénikos («fève grecque») de l'expression kûamos Aiguptios («fève * Voir A. DE CANDOLLE, Origine des plantes cultivées, Paris, Germer Baillière, 1883, pp. 253-257. D'après les recherches de l'école de N. I. Vavilov à Leningrad, le berceau de la fève serait l'Asie occidentale (V. S. MURATOVA, 1931). * Iliade XIII 589. * THÉOPHRASTE, De causis plantarum IV 14. La nocivité des fèves 65 égyptienne »), comme le font implicitement la Collection hippocratique ' et explicitement Dioscoride.8 Si le premier nom a pour objet la fève au sens commun, le second s'applique aux grains du nénuphar rose, plante exotique connue en Grèce plutôt comme médicament que comme aliment. L'existence de ce kûamos Aiguptios, et notamment le chapitre que lui consacre Dioscoride, uploads/Litterature/ grmek-1980-la-legende-et-la-realite-de-la-nocivite-des-feves-vicia-faba-toxicity.pdf
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- Publié le Sep 25, 2022
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