La didactique de la poésie, du roman et du théâtre africains en langue français

La didactique de la poésie, du roman et du théâtre africains en langue française Synergies Afrique des Grands Lacs n°3 - 2014 p. 35-44 35 Reçu le 25-11-2013/ Évalué le 11-12-2013/Accepté le 13-03-2014 Résumé Les œuvres et les auteurs africains d’expression française sont souvent enseignés dans la globalité. Ainsi, les études thématisantes sont privilégiées au détriment des spécificités littéraires. Une observation attentive des contenus des programmes d’enseignement révèle que peu nombreux sont les intitulés qui optent pour une approche des aspects structuraux et narratologiques des œuvres africaines d’expression française. Cette contribution propose une didactique diversifiée des littératures africaines d’expression française, en faisant appel à la sociocritique, à la sémiotique (plus particulièrement narrative), à la psychocritique et à la poétique, en d’autres termes, les techniques d’écrire et d’analyser des textes littéraires. Mots-clés : didactique, psychocritique, référentiel, sémiotique, sociocritique The didactic of poetry, novel and theater in French language Abstract French literature and their authors are often taught as whole. Therefore, thematic studies are privileged to the price of literary specificities. A close look at the teaching programme contents show that few themes choose for an approach of structural and narralogical aspects of French-African works. This paper aims at a diversified didactic of French-African literatures, by using sociocriticism, semiotic (more precisely narrative), psychocriticism and poetry, in a word the writing techniques and analysis of literary texts. Keywords: didactic, psychocriticism, referential, semiotic, sociocriticism Introduction Pour répondre aux exigences du système Licence, Master et Doctorat (LMD), le département de Lettres Modernes de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Bangui a mis en œuvre un nouveau programme d’enseignement. Aujourd’hui, après quatre années d’exécution, il est encore trop tôt pour faire un bilan didactico-pédagogique exhaustif de ce programme. Le nouveau programme offre trois options : la littérature du Sud (anciennement appelée la littérature négro-africaine), la littérature du Nord (anciennement appelée la littérature française) et la Linguistique. Mathurin Songossaye Université de Bangui, Centrafrique songossaye@yahoo.fr GERFLINT Synergies Afrique des Grands Lacs n°3 - 2014 p. 35-44 A la lecture du programme, on se rend rapidement compte que l’accent est mis particulièrement sur les courants et théories littéraires pour ce qui est du volet de la littérature française. Le curriculum de l’option littérature du Sud n’aborde aucun courant littéraire sinon un repère des littératures africaines francophones et anglo­ phones. Une part belle est accordée aux traditions orales et à la critique féministe. Le souci bien entendu ici est de mettre fin au cloisonnement entre écrivains africains francophones et écrivains africains anglophones. Enfin l’option Linguistique réserve une place de choix aux langues africaines, à la phonétique, à la linguistique centrafricaine et à la sociolinguistique. Cette brève présentation des nouveaux curricula du département de Lettres Modernes de l’Université de Bangui permet d’en venir à la thématique des littératures d’expression française à l’université : nouvelles perspectives didactiques. En d’autres termes, comment enseigner les littératures d’expression française à l’université ? Quel doit être le contenu des programmes ? Quels ouvrages et quels auteurs doit-on retenir? Dans son ouvrage intitulé Etudes postcoloniales et literature, Jacqueline Bardolph fait cette remarque : Et en France, la tentation est aussi de limiter la réflexion au domaine familier : que de livres ou manifestations sur ″la littérature africaine″ ou ″la poésie africaine″ où il s’agit en fait que de production en langue française1. On pourrait, au regard de cette remarque, penser qu’il n’y a presque pas de frontière entre la langue des littératures africaines et celle de la métropole. Cependant, il faut une didactique pour l’enseignement des littératures africaines en langue française. Les ouvrages de Jacques Chevrier (Littérature Nègre et Littérature africaine) sont aujourd’hui devenus des références parce qu’ils proposent des outils pédagogiques permettant de comprendre l’histoire, les grands thèmes et les auteurs phares des litté­ ratures africaines en langue française. La problématique des littératures d’expression française à l’université : nouvelles perspectives didactiques permet donc de reposer la question de l’enseignement des littératures africaines en langue française. Trois genres littéraires sont ici retenus. Je terminerai mes propositions par des réflexions pédagogiques et didactiques. 1. La poésie africaine Le premier axe porte naturellement sur la poésie africaine. La poésie africaine a-t-elle connu une évolution ? Dans quel sens ? Quels sont les principaux thèmes de cette poésie ? Il s’agit ici de répertorier les grands auteurs, faire des repères analytiques, 36 La didactique de la poésie, du roman et du théâtre africains en langue française étudier les grands thèmes et quelques commentaires stylistiques peuvent aider l’étu­ diant à mieux comprendre cette poésie africaine en langue française. D’une manière ramassée, je reviens sur l’idée connue selon laquelle la poésie est un travail sur les mots qui explore toutes les ressources du langage en jouant avec les mots, les images et la mise en espace du texte. Le poème se construit à travers le retour régulier de la rime et du vers. A chaque époque, la poésie adopte des formes nouvelles jusqu’à l’abandon des contraintes de la versification. C’est pour cette raison qu’il y a le poème à forme fixe (le sonnet, l’ode et la ballade), le poème en prose, le poème en vers libres et le poème ouvert. « L’épiphanie poétique de la Négritude2 », pour reprendre les termes de Jacques Chevrier s’échelonne entre 1940 et 1945 avec Léopold Sédar Senghor considéré comme la figure de proue et Aimé Césaire, vu comme la figure emblématique du grand mouvement de la Négritude qui a débuté autour des années 30. La publication de L’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et Malgache de langue française, appuyée par une préface peu ordinaire de Jean-Paul Sartre intitulée « Orphée noir » constitue l’acte de naissance de la poésie africaine en langue française. Suivra ensuite plus particuliè­ rement au lendemain des indépendances africaines plusieurs poètes africains comme le Congolais Jean-Pierre Makouta Mboukou, pour ne citer que lui. La plupart des poètes africains adopte le poème en prose (Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire) ou en vers libres (la grande majorité des poèmes publiés dans L’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et Malgache, ou le poème « Soleil Noir » de Jean-Pierre Makouta Mboukou). Cadrage ainsi fait, toute la didactique de la poésie africaine consistera donc à répondre aux questions que j’ai posées au depart. On se rend vite compte qu’il s’agit d’un travail de grande envergure qui prendra assez de temps3. 2. Les romans clés de la littérature africaine : de la période coloniale à nos jours Le deuxième axe de propositions didactiques concerne le roman qui se taille la part du lion dans la production littéraire africaine en langue française. Face à la proli­ fération des publications, étudier le roman africain en langue française impose une canalisation de l’étude. La voie d’approche est tout naturellement l’historique dans un contexte africain, les grands thèmes, les éléments biographiques de certains auteurs, les sous-genres et les aventures littéraires de certains écrivains africains. Que dire des écrivains africains de la diaspora ? Ces derniers méritent des fiches de lecture avec le cadrage parmi les auteurs nationaux. Avant d’aborder en quelques lignes la question de l’enseignement du roman africain en langue française, une définition standard du roman doit permettre de mieux saisir 37 Synergies Afrique des Grands Lacs n°3 - 2014 p. 35-44 l’objet de l’étude. Le roman est un récit en prose d’aventure imaginaire. A l’origine, il s’agit d’un récit qui met généralement en scène des chevaliers, qui retrace leur prouesse, leurs amitiés et leurs amours4 . Au Moyen-âge le roman a commencé par signifier un récit en prose ou en vers, en langue vulgaire. Puis dès le XVI siècle, il a désigné un récit en prose d’aventure imaginaire (Dictionnaire des genres et notions littéraires, 2001 : 977). Ce souci de définition permet de comprendre que vouloir parler du roman africain en langue française, c’est parler des œuvres qui ont un certain nombre de caractères communs. Comme récit, le roman s’étend sur une durée qui permet de rendre compte de l’évolution d’une conscience. Il fait vivre des personnages qui donnent l’impression d’une existence réelle de la totalité d’une âme. Il représente le monde extérieur. Le roman par rapport aux autres genres littéraires est un moyen d’expression. Ainsi, il représente des caractères tantôt communs tantôt divergents. En Afrique subsaharienne, l’histoire du roman commence avec Force-Bonté, roman du Sénégalais Bakara Diallo. La jeune critique littéraire africaine est encore divisée sur la question de savoir quel fut le tout premier roman africain en langue française. À ce sujet, la thèse d’Alain Ricard qui pense que l’auteur de Force-Bonté paru en 1926, Bakary Diallo, est sans doute le premier africain à produire un texte de fiction d’une certaine longueur en français5 paraît convaincante. Les années 50 sont connues pour être l’âge du roman africain où l’on découvre des grands talents comme Camara Laye (Enfant noir, 1953) Eza Boto (Ville cruelle, 1954), Bernard Dadié (Climbié, 1956), Ferdinand Oyono (Une vie de boy) pour ne citer que ceux dont la renommée et la notoriété ne sont plus à démontrer. Faire aujourd’hui un répertoire des sous-genres où les auteurs africains uploads/Litterature/ mathurin-songossaye.pdf

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