11 Dr. Belkacem Mebarki Université d’Oran Mots-clés : Maghrébinité - brisures d

11 Dr. Belkacem Mebarki Université d’Oran Mots-clés : Maghrébinité - brisures de l’histoire - exigüité d’un discours - réappropriation d’une parole - stratégie discursive d’une littérature. Abstract: Two major historical events: the falling of Grenada and the French occupation seem to be at the origin of the literary discourse in Algeria. Through their impact on the collective psyche, these two events provoked a complex of inferiority on the part of Algerians towards the Western World, a complex which was maintained through a chosen lexis. The same discourse is still produced towards Maghrebians. Therefore, whatever the theme or the context in which it is produced, since its birth, the Algerian text seems to be limited to this counter-discourse dimension in an attempt to disinfect and re-appropriate a cracked imagination to be used as a dialogic value in the universal discourse on humanity. The present paper attempts at putting forward this writing strategy of the Algerian text which aims at, plainly or not, dipping back farther and farther into the history of the Maghreb to better understand what was at the origins of the break of a collective imagination. Keywords: Maghrebinity - History breaks - a cramped speech – narrowness of a discourse - literature discursive strategy. Synergies Algérie n° 13 - 2011 pp. 11-17 Le texte littéraire algérien : brisures d’un imaginaire Résumé : Deux événements historiques majeurs : la chute de Grenade et l’occupation française nous semblent être à l’origine du discours littéraire algérien. Agissant sur l’inconscient collectif, ces deux évènements ont provoqué chez l’Algérien un complexe d’infériorité par rapport à l’Occident. Ce complexe fut entretenu par le discours colonial à travers un lexique choisi. Le même discours se produit encore dans la parole à l’adresse des Maghrébins. Dès lors, et quelle que soit sa thématique ou son contexte de production, depuis sa naissance à nos jours, le texte algérien semble se limiter à cette dimension de contre-discours pour tenter de désinfecter un imaginaire fissuré et se le réapproprier pour l’utiliser comme valeur dialogique dans le discours universel sur l’humanité. L’article que nous proposons tente de mettre en relief cette stratégie d’écriture du texte algérien qui tente, ouvertement ou non, de replonger de plus en plus loin dans l’histoire du Maghreb pour mieux comprendre ce qui fut à l’origine des brisures d’un imaginaire. 12 ﺍﻟﻤﻠﺨﺺ : ﺇﻥ ﺍﻟﺨﻄﺎﺏ ﺍﻷﺩﺑﻲ ﻓﻲ ﺍﻟﺠﺰﺍﺋﺮ ﻭﻟﻴﺪ ﺣﺪﺛﻴﻦ ﺗﺎﺭﻳﺨﻴﻴﻦ ﻋﻠﻰ ﻗﺪﺭ ﻣﻦ ﺍﻷﻫﻤﻴﺔ؛ ﺳﻘﻮﻁ ﻏﺮﻧﺎﻁﺔ ﻣﻦ ﺟﻬﺔ ﻭ ﺍﻻﺣﺘﻼﻝ ﺍﻟﻔﺮﻧﺴﻲ ﻣﻦ ﺟﻬﺔ ﺃﺧﺮﻯ؛ ﺑﺤﻴﺚ ﻛﺎﻥ ﻟﻜﻠﻴﻬﻤﺎ ﺃﺛﺮﻩ ﻓﻲ ﺧﻠﻖ ﻋﻘﺪﺓ ﺍﻟﻨﻘﺺ ﻟﺪﻯ ﺍﻟﻔﺮﺩ ﺍﻟﺠﺰﺍﺋﺮﻱ ﺑﺎﻟﻤﻘﺎﺭﻧﺔ ﻣﻊ ﺍﻟﻐﺮﺏ، ﻭ ﺫﻟﻚ ﺑﺎﻟﺘﺄﺛﻴﺮ ﻋﻠﻰ ﺍﻟﻌﻘﻞ ﺍﻟﺒﺎﻁﻦ ﺍﻟﺠﻤﺎﻋﻲ . ﻭﻗﺪ ﻋﻤﻞ ﺍ ﻟﺨﻄﺎﺏ ﻻﺳﺘﻌﻤﺎﺭﻱ ﻋﻠﻰ ﺍﺳﺘﻤﺮﺍﺭ ﻫﺬﻩ ﺍﻟﻌﻘﺪﺓ ﻣﻦ ﺧﻼﻝ ﺍﺧﺘﻴﺎﺭ ﻣﻔﺮﺩﺍﺕ ﻭ ﺇﻋﻤﺎﻟﻬﺎ ﻓﻴﻪ، ﻭﻫﻮ ﻧﻔﺲ ﺍﻟﺨﻄﺎﺏ ﺍﻟﺬﻱ ﻻ ﻳﺰﺍﻝ ﻳﺘﻮﺟﻪ ﺑﻪ ﻟﻠﻤﻐﺎﺭﺑﺔ ﺇﻟﻰ ﻳﻮﻣﻨﺎ ﻫﺬﺍ . ﻭ ﻟﺬﻟﻚ ﻳﺒﺪﻭ ﺃﻥ ﺍﻟﻨﺺ ﺍﻟﺠﺰﺍﺋﺮﻱ؛ ﺃﻳﺎ ﻛﺎﻥ ﻣﻮﺿﻮﻋﻪ ﺃﻭ ﺍﻟﺴﻴﺎﻕ ﺍﻟﺬﻱ ﻳﺄﺗﻲ ﻓﻴﻪ، ﻗﺪ ﺍﻗﺘﺼﺮ ﻣﻨﺬ ﻧﺸﺄﺗﻪ ﺇﻟﻰ ﻳﻮﻣﻨﺎ ﻫﺬﺍ ﻋﻠﻰ ﺑﻌﺪ ﺍﻟﺨﻄﺎﺏ ﺍ ﻟﻤﻀﺎﺩ ﻓﻲ ﻣﺤﺎﻭﻟﺔ ﻣﻨﻪ ﻟﺘﻘﻮﻳﻢ ﺧﻴﺎﻝ ﻣﺘﺼﺪﻉ ﻭ ﺗﻤﻠﻜﻪ ﻣﻦ ﺟﺪﻳﺪ، ﻹﻋﺎﺩﺓ ﺇﻋﻤﺎﻟﻪ ﻛﻘﻴﻤﺔ ﺣﻮﺍﺭﻳﺔ، ﻓﻲ ﺇﻁﺎﺭ ﺍﻟﺨﻄﺎﺏ ﺍﻟﻌﺎﻟﻤﻲ ﺣﻮﻝ ﺍﻹﻧﺴﺎﻧﻴﺔ . ﻧﺮﻭﻡ ﻣﻦ ﺧﻼﻝ ﻣﻘﺎﻟﻨﺎ ﻫﺬﺍ ﺗﺴﻠﻴﻂ ﺍﻟﻀﻮء ﻋﻠﻰ ﺇﺳﺘﺮﺍﺗﻴﺠﻴﺔ ﻛﺘﺎﺑﺔ ﺍﻟﻨﺺ ﺍﻟﺠﺰﺍﺋﺮﻱ ﺍﻟﺬﻱ ﻳﺤﺎﻭﻝ؛ ﻣﻨﻔﺘﺤﺎ ﻛﺎﻥ ﺃﻭﻻ، ﺍﻟﻐﻮﺹ ﺃﻛﺜﺮ ﻓﺄﻛﺜﺮ ﻓﻲ ﺍﻟﺘﺎﺭﻳﺦ ﺃﻟﻤﻐﺎ ﺭﺑﻲ ﻟﻠﺘﻔﻘﻪ ﻓﻲ ﺃﺳﺒﺎﺏ ﺗﺼﺪﻉ ﺍﻟﺨﻴﺎﻝ . ﺍﻟﻜﻠﻤﺎﺕ ﺍﻟﻤﻔﺘﺎﺣﻴﺔ : ﺍﻟﻤﻐﺎﺭﺑﻴﺔ -ﻛﺴﺮ ﺍﻟﻘﺼﺔ-ﻛﻠﻤﺔ ﺿﻴﻘﺔ-ﺍﺳﺘﺼﻼﺡ ﻟﻠ ﻜﻠﻤﺔ-ﺍﺳﺘﺮﺍﺗﻴﺠﻴﺔ ﺍﺳﺘﻄﺮﺍﺩﻱ ﺍﻷﺩﺏ . La référence aux dimensions africaines et orientales, constitutives de la maghrébinité, est fondamentale pour la lecture des œuvres littéraires maghrébines et la compréhension de l’imaginaire qu’elles déploient. Toutefois, cette référence présente certaines limites pour les œuvres d’expression française qui, selon les multiples recherches effectuées sur cette littérature, se produit essentiellement à partir d’une position qui lui permet de débattre avec la pensée occidentale. Aussi, la mise en relief de quelques éléments du rapport qu’entretient le Maghreb avec l’Occident a-t-elle son importance dans l’analyse du discours de cette littérature et de ses signifiances. Ce rapport Maghreb/Occident se caractérise souvent par une ambiguïté qui n’est pas facile à cerner et dont l’importance varie au gré des événements qui émaillent cette relation. Quel est le degré de proximité et d’intimité qui lie ces deux parties du monde ? Comment le rapport qu’entretiennent ces deux parties du monde s’effectue-t-il en fonction de cette proximité ? Quelle place occupe l’Occident dans l’imaginaire maghrébin et quelle est l’image de ce dernier dans l’imaginaire des Occidentaux, surtout ceux qui sont en contact avec les maghrébins et leur culture, de manière directe ou par le biais de la fiction ? Ce sont là des questions que nous nous posons et dont les réponses pourraient nous aider à mieux situer les lieux d’écriture de la littérature algérienne, de mieux cerner son énonciation et de jauger sa capacité à faire avancer la réflexion sur la maghrébinité. Il serait vain de nous étaler de manière exhaustive sur la relation Maghreb/Occident à travers l’Histoire, l’entreprise serait d’ailleurs impossible dans le cadre de cet article ; cependant deux faits majeurs méritent d’être relevés parce que, supposons-nous, ils sont à l’origine d’une brisure dans le rapport qu’entretiennent les Maghrébins avec leur passé, et par conséquent avec eux-mêmes. Ces deux faits de l’Histoire semblent avoir re-balisé les lieux de la parole maghrébine, telle qu’elle se manifeste dans les écrits de fiction du moins et qui, ainsi piégée, donne l’impression de ne se produire qu’en fonction de cette brisure pour essayer de la comprendre et de la dépasser. Le premier fait, celui qui est à l’origine du déséquilibre actuel, celui qui a vu s’inverser les rapports de force entre l’Orient et l’Occident, qui a installé l’hégémonie d’une civilisation sur une autre, et qui transparaît par conséquent dans les écrits maghrébins actuels, eut lieu un certain 02 janvier 14921. Cette date, même si elle est située loin dans l’histoire, constitue une brisure dans l’imaginaire de ceux qui se réclament de la civilisation arabo-musulmane. Inconsciemment, par conséquent, les faits de langue et la littérature tentent de la combler pour dompter et dépasser le malaise que cet événement a provoqué. Les métaphores culturelles2 utilisées par les Maghrébins quand ils parlent d’eux-mêmes montrent, si besoin est encore de le prouver, que la chute de l’une des plus prestigieuses cités musulmanes a laissé des traces indélébiles dans l’imaginaire des Synergies Algérie n° 13 - 2011 pp. 11-17 Dr. Belkacem Mebarki 13 Maghrébins, principaux occupants de l’ancienne Andalousie et donc, victimes directes de ce retournement de l’Histoire. L’événement, castrateur3, peut orienter la lecture des œuvres de fiction maghrébines, par l’utilisation d’une approche psychanalytique qui pourrait expliquer, à titre d’exemple, la raison pour laquelle les premiers romans de la littérature algérienne d’expression française, en quête de l’éternel féminin, symbole, entre autres de l’espace d’origine spolié, maternel, lieu donc de la plénitude et de la quiétude, ont, pour la plupart, des titres avec des noms de femmes4. Le deuxième fait auquel nous pensons est celui relatif au nom de l’Algérie. Ce pays, désigné de diverses appellations : « Barbarie », « Africa », « Ifrikia », « Numidie », « Maurétanie », « Dzaïr », « El Djazaïr », « Royaume d’Alger », s’est vu attribuer son nom actuel le 1er décembre 1831 par une ordonnance de Louis Philipe, qui institua le nom d’Algérie à partir du nom d’Alger. « Le pays occupé par les Français dans le Nord de l’Afrique sera, à l’avenir, désigné sous le nom d’Algérie. En conséquence, les dénominations d’ancienne Régence d’Alger et de possessions françaises dans le Nord de l’Afrique cesseront d’être employées dans les actes et les correspondances officielles ».5 Même si cette nouvelle dénomination sera acceptée par les Algériens eux-mêmes, même si elle leur permettra plus tard cette conscientisation nationale qui les mènera à l’indépendance du pays, il n’empêche qu’elle peut être interprétée comme un fait qui procède de l’esprit de nier toute une histoire cristallisée jusqu’alors par le mot « El Djazaïr », royaume de Ziri, et non « ensemble d’îles », comme il est soutenu communément sous forme d’erreur fossilisée6. En effet, cette appellation opérée par un pouvoir colonial, anodine d’aspect, aura pour conséquences majeures l’éclatement des repères d’une identité et d’une parole. En plus du fait de marquer du sceau de l’occidentalité un territoire conquis, cette dénomination refoulera les dominés en dehors de leur être, en les confinant dans l’exiguïté d’une marge par rapport au pouvoir de la parole du dominant, mais aussi par rapport à la possibilité de contribuer à la réflexion sur le monde, comme ils le faisaient du temps de l’âge d’or de la pensée arabe conquérante. Il découle de ce décentrement un phénomène qui fait que le moi maghrébin, dans son orientalité, dans sa maghrébinité, est désaxé et ne peut se dire que par rapport à la modernité, dont seul le modèle occidental fixe les critères. Pour asseoir une occupation dans une optique de mise en place d’une société à deux niveaux (deux collèges), dans laquelle les porteurs du nouveau modèle de civilisation seront les maîtres, on s’attèle à élargir les failles provoquées par le revirement de l’Histoire. A cet effet, on aura d’abord recours à la division de la société dominée uploads/Litterature/ mebarki.pdf

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