Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholi

Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique par Olivier Christin I.Introduction Evoquer le XVIème siècle en France sans parler de la religion est difficilement tant possible, à cause de l’importance de la religion dans la société (héritage du Moyen Âge) et de ses mutations liées à l’émergence de la religion réformée. Les oppositions entre Catholiques et Huguenots (nom donné aux protestants français, dans leur majorité calviniste) ont effet cristallisé la période allant de 1520 à 1620. Olivier Christin est un historien français, spécialiste de la religion dans la première moitié de la période moderne. Né en 1961, il obtient l’agrégation d’histoire à 22 ans. Il est fait docteur en 1989, grâce à une thèse sur l’ « Iconoclasme et [le] culte des images en France au XVIème siècle ». De 1990 à 1992, il est maître de conférences à l’Université de Nancy puis il enseigne en Allemagne, en Suisse et en Angleterre. À partir de 1996, il enseigne à Lyon II et devient professeur d’histoire moderne l’année suivante. À partir de 2003, il est également directeur d'études à l’École pratique des hautes études pour la section d’histoire religieuse. Il devient président de Lyon II en 2008 mais démissionne au 1er janvier 2010 pour un poste à Neuchâtel. Olivier Christin a publié près de cent contributions (articles, chapitres d’ouvrages collectifs, contributions à des colloques) ainsi qu’une douzaine de livres. On peut citer Les Réformes. Luther, Calvin et les protestants en 1995 (ouvrage largement traduit), Les yeux pour le croire. Les Dix commandements en image (XVe-XVIIe siècle) en 2003 ou Le Roi-Providence : trois études sur l'iconographie gallicane en 2007. Tout ceci montre bien la spécilisation de l’auteur sur les questions religieuses au XVIème siècle. Son premier livre Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique a été publié en 1991 et s’il n’est pas marqué explicitement qu’il s’agit de sa thèse (soutenue deux ans auparavant) –en version abrégée-, c’est bien le cas. Le titre de l’ouvrage correspond à l’intitulé de sa thèse et les abondantes références à des sources primaires (documents d’époque) tout au long de l’ouvrage en témoignent. Avec cet ouvrage, l’auteur s’est engagé dans l’une des différentes voies de l’ère du pluralisme. Les ouvrages de recherche sur la réforme prennent désormais au moins trois grandes orientations, non exclusives : les facteurs économiques et sociaux (hypothèse la plus ancienne), les facteurs culturels et les facteurs religieux. Même s’il ne se situe pas intégralement dans cette dernière voie –comme nous le verrons-, Olivier Christin pense à la suite de Lucien Febvre que la Réforme est avant tout religieuse. Dans cette voie également suivie par Denis Crouzet, Olivier Christin est un pionnier, au moins en France. Avec Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, on voit qu’il a bien embrassé ce courant historiographique. Il travaille à échelle réduite (il évoque de nombreuses villes, notamment Rouen et Lyon) dans la lignée de la microhistoire italienne et a une approche qui doit beaucoup à des sciences comme l’anthropologie ou la sociologie (il étudie la composition sociale des iconoclastes et les illustrations en annexes présentent des diagrammes circulaires en ce sens). En ayant bien conscience de ces faits, nous allons voir en quoi l’approche de l’iconoclasme par Olivier Christin est novatrice para rapport aux anciens courants historiographiques et quelles sont les limites éventuelles de son ouvrage. Pour cela, nous nous intéresserons dans un premier temps à ce qui fait l’originalité de la thèse. Dans un second temps, nous nuancerons la nouveauté en montrant qu’Olivier Christin ne peut s’empêcher de revenir à une analyse sociale et économique. Enfin, nous nous attacherons brièvement aux limites de l’ouvrage. II.Une analyse détachée de l’objet d’étude qui permet des constats originaux Le premier élément qui mérite d’être signalé est le positionnement de l’auteur car c’est ce qui lui permet une approche originale. Olivier Christin se détache des querelles pour une étude qu’il veut objective. En premier lieu, il rejette toute approche de type controverse, soit pro-protestante, soit pro-catholique (d’où les deux grandes parties du livre, qui se complètent en ce que la première traite de l’iconoclasme protestant et le second de la réaction catholique). Ainsi, même s’il le cite fréquemment, Olivier Christin n’est pas dans la lignée de Louis Réau qui stigmatise le vandalisme des « êtres inférieurs, et qui ont conscience de leur infériorité, [qui] haïssent instinctivement tout ce qui les dépasse ». Il ne prend pas non plus faveur en parti de l’historiographie développée à la fin du XIXème siècle (et qui a duré jusqu’aux années 1960) par les protestants selon laquelle l’iconoclasme était minoritaire alors que les théologiens comme Luther aimaient l’art (Luther avait son « peintre attitré », Lucas Cranach). Cela permet d’expliquer la deuxième grande orientation rejetée par Olivier Christin, celle d’une approche purement esthétique comme en ont certains historiens de l’art. Olivier Christin se justifie en affirmant que la conception de l’art était à l’époque différente : l’art était un moyen au service de quelque chose (la religion) et non une fin en soi. Si l’on devait résumer la thèse de l’auteur en une ligne, ce serait « les Huguenots ont bien brisé des images mais il y a des explications à ce geste ». Cela rejette la dénégation de l’iconoclasme et la conception d’un acte de barbarie gratuite. L’iconoclasme a d’abord été individuel avant d’être collectif et n’est pas forcément lié aux Huguenots. Olivier Christin signale au début du XVIème siècle des « iconoclastes malgré eux » comme les ivrognes qui ne se rendent pas compte de leur geste et bénéficient souvent d’une certaine clémence. Il évoque aussi le cas de personnes mécontentes ou dont les vœux ne sont pas exaucés : une femme qui perd son enfant peut prendre des mesures de rétorsion en enlevant l’Enfant Jésus d’une statue de la Vierge. Ce n’est qu’avec l’implantation du calvinisme à partir de Genève que l’iconoclasme est devenu collectif. L’iconoclasme qui désigne le rejet des images et leur destruction est sélectif selon Christin. Il sépare bien souvent le profane et le sacré, ce qui s’inscrit dans un contexte de laïcisation progressive des images à la Renaissance : toutes les images ne sont plus religieuses désormais. Les Huguenots se sont rarement attaqués aux images profanes ou situées dans des lieux profanes. Dans le premier cas, l’auteur cite des exemples de personnages païens (des Vénus) non dégradés dans les églises ; dans le second cas, il montre que l’on a parfois rendu les œuvres aux donateurs ou à leurs descendants qui pouvaient les garder en toute tranquillité. Il justifie ce dernier cas par le respect de la propriété privée chez les protestants : c’est au chef de famille (pater familias) d’ôter les images de sa maison si nécessaire. La sélectivité est aussi thématique, portant sur certaines représentations et sur certaines parties de ces représentations. Ainsi, les Calvinistes (majoritaires et plus opposés aux images que les luthériens) visent particulièrement les images de Dieu qu’on ne peut représenter car c’est un esprit sans corps sur lequel le temps n’a aucune prise (on ne peut pas le représenter en vieil homme barbue). La Vierge, les crucifix et les croix sont aussi bien visés, tout comme els reliques et autres objets envers lesquels les fidèles font œuvre de dévotion. Les personnages secondaires, les décors et la Bible sont en revanche le plus souvent épargnés. Au sein des personnages, ce sont la bouche, les yeux et les bras qui sont le plus systématiquement malmenés. Ce sont en effet les parties du corps qui permettent d’agir (nous y reviendrons plus loin). La sélectivité est aussi technique et temporel. Si certaines peintures ont été entièrement recouverte d’un badigeonnage (qui soit dit en passant est réversible), les sculptures ont été plus souvent malmenées. Probablement parce qu’étant tridimensionnelles, elles étaient plus faciles à adorer car plus réalistes. À l’origine, le egste iconoclaste se faisait la nuit, en cachette. Mais après, les Huguenots choisissent aussi avec soin le moment où ils font preuve d’iconoclasme. Leur but est en effet de choquer et de faire scandale. C’est pourquoi ils choisissent les fêtes comme Pâques ou la Fête-Dieu (qu’ils rejettent) pour leurs actes d’iconoclasme. L’iconoclasme est paradoxal et s’apparente à l’idolâtrie qu’il veut combattre. Les protestants s’adressaient à l’idole puis la martyrisaient et la mettaient à mort. Ils faisaient cela dans le but de prouver que les idoles n’avaient aucun pouvoir : comment prétendre qu’elles pouvaient sauver les hommes si elles ne se sauvaient pas elles-mêmes ? Mais ce faisant, les iconoclastes exprimaient un doute : ils parlaient à des statues tout en prétendant qu’elles ne pouvaient pas comprendre ; ils mutilaient les parties du corps permettant d’agir comme s’ils craignaient une vengeance. L’iconoclasme était plus ou moins fort selon les théologiens et ces derniers et les élites cherchaient à l’organiser. Luther qui fait preuve de pragmatisme est bien moins iconoclaste que Calvin qui l’est moins que Carlstadt. D’ailleurs, Luther estimait que l’image pouvait servir à une meilleure compréhension des textes bibliques. Même Calvin a condamné les vagues iconoclastes violentes. uploads/Litterature/ une-revolution-symbolique-olivier-christin.pdf

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