TOPOGRAPHIE POLITIQUE ET «DÉPÊCHE» DIPLOMATIQUE: PROCÉDURE ANALYTIQUE, DRAMATIS

TOPOGRAPHIE POLITIQUE ET «DÉPÊCHE» DIPLOMATIQUE: PROCÉDURE ANALYTIQUE, DRAMATISATION DES FAITS ET STRATÉGIES ÉNONCIATIVES ET PRAGMATIQUES LUIS GASTÓN ELDUAYEN* Universidad de Granada RÉSUMÉ. Sans tomber dans l’idéalisme scientiste qui voulait faire converger, de manière conséquente et définitive, l’analyse sémantique, la logique et les sciences naturelles, cette réflexion se propose, d’abord, de confronter les données empiriques d’un texte concret –Les 470 Dépêches des Ambassadeurs de Venise au Doge (1786-1795)– sanctionnant les résultats, notamment, de l’analyse de la représentation de l’Histoire, des stratégies énonciatives et pragmatiques, ensuite d’interroger la frontière entre textualité et discours politique. C’est en constituant le factuel comme langagier que l’on peut fournir une lecture des formes discursives diverses, dans le cadre d’une hétérogénéité constitutive. L’analyse du discours proposée veut se conformer à ce qui est offert de manière immédiate par le texte –même si les propositions sous-jacentes sont coextensives à la “littéralité” des énoncés–, sans pour autant oublier que la parole de la “dépêche”, engagée par définition, se trouve rhétoriquement masquée/marquée et investie d’une force illocutionnaire déterminante, qu’elle constitue une sorte de genre discursif aux bordures extrêmement mouvantes, soumis à “l’interventionnisme” des co-énonciateurs. MOTS-CLÉS. Procédure analytique, textualité, discours politique, co-énonciation, interlocution. RESUMEN. Sin caer en el idealismo cientifista que pretendía hacer converger, de manera determinante y definitiva, el análisis semántico, la lógica y las ciencias natura- les, esta reflexión se propone, primeramente, confrontar los datos empíricos de un texto concreto –Les 470 Dépêches des Ambassadeurs de Venise au Doge (1786-1795)– sancio- nando los resultados, especialmente, del análisis de la representación de la Historia, de las estrategias enunciativas y pragmáticas, y después interrogar la frontera entre textua- lidad y discurso político. Constituyendo lo fáctico como lenguaje es como se puede efec- tuar una lectura de las diversas formas discursivas, en el cuadro de una heterogeneidad constitutiva. El análisis del discurso que se presenta quiere observar, en su origen, aque- llo que el texto ofrece de manera inmediata –incluso si las proposiciones subyacentes son coextensivas a la literalidad de los enunciados–, insistiendo, posteriormente, en que la palabra de la “depêche”, comprometida por definición, está retóricamente marcada y provista de una fuerza interlocutiva fundamental, que su significación última, circunstan- ciada, dependerá siempre del “intervencionismo” de los coenunciadores. PALABRAS CLAVE. Procedimiento analítico, textualidad, discurso político, coenunciación, interlocución. 137 RESLA 22 (2009), 137-160 1. INTRODUCCION Nous sommes bien loin, dans le déferlement d’études de toutes sortes (documentaires, statistiques, structurales, narratives, sémiotiques, etc.) de la conception d’une sorte de science universelle des discours (fondée sur l’alliance de la linguistique et de la mathématique), des rites d’une espèce de technophilie ou de technolâtrie effrénées, célébrant le compromis immédiat de l’analyse sémantique avec la linguistique et la logique. La croyance à l’efficacité optimale des méthodes scientifiques se réclamant des sciences naturelles, au sujet des études portant sur les diverses catégories des “discours sociaux”, s’est bien apaisée, voire équilibrée. Dans notre réflexion, nous ne prétendons pas dégager la signification textuelle du corpus que nous avons choisi, pour l’occasion, en insistant sur la scientificité d’une démarche différente et plus rigoureuse que d’autres. Il n’existe pas a priori de raison pour qu’une représentation graphico-statistique d’un texte donné soit plus conforme à réalité, parce que mathématique. Il n’est pas dans mon propos de retenir le lecteur potentiel sur l’exposé ou la théorie de l’analyse, mais de l’inviter plutôt à la lecture d’un ensemble de textes –révélant une perception historique et politique hors du commun, Les 470 Dépêches des Ambassadeurs de Venise au Doge (1786-1795)1–, pour des raisons qui me semblent, tout au moins, probantes: et en premier lieu, il est bien plus raisonnable, dans le contexte qui est le nôtre, de nous occuper directement de l’analyse de ces écrits, de leurs caractères discursifs –je pense à la dimension illocutive, aux stratégies énonciatives et pragmatiques, à son agencement lexical–, que de l’exercice de la méthode; de confronter les données empiriques sanctionnant les résultats de la méthode, que de réexaminer, encore une fois, les théories de la procédure. L’analyse du discours doit se conformer à ce qui est offert de manière immédiate par le texte –même si les propositions sous-jacentes sont coextensives à la “littéralité” des énoncés–, sans pour autant oublier que sa signification ultime, hic et nunc, va toujours dépendre de “l’interventionnisme” des co-énonciateurs2 “primaires” et “secondaires”. Ceci étant, l’essentiel est de respecter les manifestations textuelles, de ne rien proposer au prix de la prédation du discours original comme le pratiquent/- aient certaines méthodologies. En d’autres mots, notre projet ne prétend aucunement ramener les pratiques d’analyse au filtre royal du cycle “scientiste”, ni essayer de re-découvrir des hypothèses de base qui conduisent, souvent, lorsqu’elles sont confrontées aux résultats empiriques, à des constatations du genre “phrase type” ou “énoncé recteur”. Toute formulation discursive –faite de variations et de reprises, d’ambiguïtés et de redondances– est traversée par le discours social. Mais, interroger la frontière entre textualité et socialité, travailler à la limite des sociétés et des textes, adhérer à la liberté critique et se soumettre à la contrainte sociale équivaut à poser le problème de la démarcation nette tracée entre l’œuvre littéraire ou “prosaïque” et leur dehors, ou du partage mouvant, inhérent à l’espace même du texte (Gardes-Tamine, 1998). D’autre part, quand il s’agit d’une étude à forte composante sociologique, on doit, peut-être, LUIS GASTÓN ELDUAYEN 138 se demander si les méthodes sociologiques sont à même de pouvoir fournir une réponse satisfaisante sur le plan de la rigueur méthodologique3. La science n’offre guère de garanties contre les subversions, voire les manipulations socialo- académiques –pseudoscientifiques, soulignons-le–, lorsque les pressions idéologiques des groupes d’intérêt s’en mêlent. Fermons, pour l’heure, la parenthèse de la procédure en souscrivant à l’affirmation de J.-Cl. Gardin (1974: 56) lorsqu’il affirme “aucune batterie de méthodes, si ‘exactes’ soient-elles, ne garantit la valeur scientifique d’une étude des textes”. Je préfère me concentrer sur la matière textuelle, conformée par des structures phrastiques stables, et provoquée par des circonstances irrévocables, mais toujours ouverte aux effets de sens/lecture, en dépit de son fort ancrage dans l’Histoire. Si la vision est bien fondée ou, par contre, justiciable d’une critique divergente, j’aimerais en faire juges les lecteurs et si possible partie. Finalement “Toute théorie est une contextualisation particulière des problèmes et des solutions, et c’est dans ce contexte que la question fait sens” (Legallois, 2006: 4). L’ADF –en tant qu’ensemble de propositions théoriques et descriptives–, au-delà des doutes et des suspicions de certains linguistes et universitaires, nous offre les moyens adéquats d’une part à la radicale altérité traversant l’énonciation (réalité acquise depuis longtemps, bien qu’elle se soit transformée, à l’heure actuelle, en découverte d’un nouveau continent), et d’autre part à la nature des discours sociaux. Qui plus est, elle réaffirme l’incontournable présence d’un niveau essentiel du politique –objet spécifique de notre lecture– souvent ignoré des acteurs ou relégué par les analystes: le niveau linguistique. Il y a un réel de la langue comme il existe un réel de la parole politique. C’est en constituant le factuel comme langagier que l’on peut fournir une lecture des formes discursives diverses, dans le cadre d’une hétérogénéité constitutive (Charaudeau, 2005). Logée dans des formulations modalisées ou primaires, la parole de “la dépêche diplomatique”, devenue écriture (trans)historique, est susceptible d’une lecture sémiolinguistique selon les schèmes conceptuels de l’ADF (en ce sens que chaque analyse effective fait appel à un ensemble d’hypothèses méthodologiques et de procédure), même si cette parole engagée par définition, rhétoriquement masquée/marquée et investie d’une force illocutionnaire déterminante, dans sa double tension diplomatique et instructive, constitue une sorte de genre discursif aux bordures extrêmement mouvantes: “Le genre délimite la sémiosis du texte […] et appartient au texte” (Rastier, 2004: 121-123). Ceci dit, quelle est notre ambition? Dans le brouillard des faits et des causalités, et loin d’un “idéal de pratique scientifique et d’appréhension totalisante” (Vincennes indixit), décrire les séquences textuelles d’un discours4 politique “historique”, en tant que configuration de traits formels associés à des effets de sens et définissant la force illocutive des énoncés. Et cela sans adhérer à l’idée partisane, parfois formulée, que l’invocation de la praxis équivaut à solliciter refuge dans des implicites idéologiques déterminés. La nature et la complexion du corpus choisi démentent la délimitation de l’objet par la procédure. TOPOGRAPHIE POLITIQUE ET «DÉPÊCHE» DIPLOMATIQUE: PROCÉDURE ANALYTIQUE... 139 2. PAROLE POLITIQUE ET RÉFÉRENCE S’il est vrai que la nature des relations humaines implique qu’il n’existe pas de parole qui, insérée dans un contexte social, ne soit “éloquente” –c’est-à-dire ne relève d’intentions et de processus persuasifs–, le discours diplomatique, plus peut-être qu’un autre, revêt ce caractère séducteur/pragmatique qui détermine tout acte d’énonciation: “le langage” –signale M. Meyer (1982: 123)– “est un faire faire” et “l’inférence se situe au niveau de l’énonciation” (1982: 137). La parole politique a donc sa rhétorique en ce sens “qu’est rhétorique dans un discours ce qui le rend persuasif par le fond et par la forme” (Reboul, 1991: 109), ses normes, ses rôles et sa propre dialectique5, vu que la finalité primordiale du rapport diplomatique –les Dépêches, le cas échéant–, lorsqu’il se déploie dans les circonstances que sont celles du discours politique, n’est plus d’échafauder uploads/Politique/ dialnet-topographiepolitiqueetdepechediplomatique-3138273.pdf

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