Neuropsychologie clinique : objectifs, principes et méthodes M. Van der Linden

Neuropsychologie clinique : objectifs, principes et méthodes M. Van der Linden Ces 20 dernières années, des changements profonds ont été observés dans les pratiques des neuropsychologues cliniciens. En particulier, les neuropsychologues sont actuellement davantage impliqués dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet de revalidation que dans l’assistance au diagnostic neurologique. Cet intérêt croissant pour la revalidation les a rendus plus sensibles à l’impact des troubles dans la vie quotidienne. De plus, d’importants progrès ont été observés dans la mise en place d’outils d’évaluation ayant une pertinence théorique. Enfin, de nouvelles orientations pour la revalidation des patients cérébrolésés ont été identifiées dans différents domaines du fonctionnement psychologique. Ces changements sont illustrés dans le domaine des troubles de la mémoire épisodique. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Neuropsychologie cognitive ; Évaluation neuropsychologique ; Activités de la vie quotidienne ; Stratégies de revalidation ; Efficacité des interventions ; Évaluation et revalidation de la mémoire épisodique Plan ¶ Introduction 1 ¶ Examen neuropsychologique comme aide au diagnostic 1 ¶ Approche cognitive en neuropsychologie et implications cliniques 2 ¶ Évaluation dans un but de revalidation et question de la validité écologique 2 ¶ Anamnèse et examen neuropsychologique de base 3 ¶ Revalidation neuropsychologique 3 ¶ Évaluation des effets de la revalidation 3 ¶ Illustration des pratiques d’évaluation et de revalidation en neuropsychologie : déficits mnésiques 4 Évaluation des troubles de la mémoire 4 Revalidation de la mémoire épisodique 8 ¶ Conclusion 10 ■Introduction Dans sa dimension de recherche, la neuropsychologie a pour objectif de tirer parti des déficits cognitifs, émotionnels, et relationnels consécutifs aux atteintes cérébrales afin de mieux comprendre l’organisation, le fonctionnement et les soubasse- ments cérébraux des processus psychologiques normaux. À côté de ces objectifs de recherche, la neuropsychologie est également un lieu d’activités cliniques, concernées par l’évaluation et la revalidation des patients atteints de lésions cérébrales. De façon plus générale, la neuropsychologie clinique constitue une des composantes de la psychologie appliquée dans laquelle les relations entre recherche et activité clinique sont particulière- ment étroites. Ces dernières années, la neuropsychologie clinique a subi une évolution importante qui a conduit à réexaminer le rôle des neuropsychologues auprès des patients cérébrolésés. Alors qu’il y a une trentaine d’années les neuropsychologues remplissaient essentiellement une fonction d’aide au diagnostic neurologique, ils interviennent aujourd’hui essentiellement dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet de revalidation ainsi que dans l’évaluation de ses effets. ■Examen neuropsychologique comme aide au diagnostic Très longtemps, la fonction principale des neuropsychologues cliniciens a été de participer au diagnostic médical dans les services de neurologie ou de neurochirurgie. Plus spécifique- ment, l’examen neuropsychologique, en conjonction avec d’autres examens complémentaires, devait aider à mieux caractériser la nature, la localisation et l’étendue de la lésion cérébrale. Dans ce contexte, l’évaluation neuropsychologique comportait plusieurs étapes : • le recueil d’un ensemble de symptômes, par l’observation du patient et par l’utilisation de tests neuropsychologiques spécifiques ; • la comparaison de ces symptômes aux regroupements syn- dromiques existants (aphasie de Broca, syndrome frontal, syndrome hémisphérique droit, etc.) ; • l’élaboration d’une hypothèse quant aux localisations céré- brales correspondant aux syndromes identifiés. Cette fonction diagnostique de l’examen neuropsychologique est actuellement en voie de disparition. En effet, les neurologues et neurochirurgiens disposent actuellement d’instruments d’imagerie cérébrale très rapides et très efficaces et ils n’ont dès lors plus besoin de faire appel à des moyens indirects d’explo- ration pour établir l’existence et les caractéristiques d’une lésion cérébrale. En fait, le rôle diagnostique de l’évaluation neuropsy- chologique subsiste uniquement dans les quelques domaines pour lesquels le médecin ne dispose pas encore de marqueurs biologiques permettant d’établir un diagnostic fiable, comme par exemple le domaine des démences débutantes. ¶ 17-035-A-85 1 Neurologie ■Approche cognitive en neuropsychologie et implications cliniques La perspective anatomoclinique classique en neuropsycholo- gie avait essentiellement pour but de mettre en évidence des relations entre certaines lésions cérébrales et des troubles spécifiques du comportement, et ce afin d’inférer les liens existant entre le fonctionnement cérébral intact et les conduites normales. L’accent était donc mis sur les soubassements cérébraux des comportements. À partir des années 1970, un courant théorique nouveau est apparu, qui a introduit au sein de la neuropsychologie les concepts et les méthodes de la psychologie cognitive : la neuropsychologie cognitive. [1, 2] Au plan de la recherche, ce courant s’est donné pour objectif prioritaire de tirer parti des déficits consécutifs aux lésions cérébrales afin d’élaborer des modèles psychologiques décrivant la structure et le fonctionnement des processus mentaux normaux. La neuropsychologie cognitive s’est donc davantage focalisée sur le développement de modèles du fonctionnement psychologique, en considérant néanmoins que ces modèles fonctionnels pourraient ensuite servir de base pour l’exploration des soubassements cérébraux des opérations mentales. Plus spécifiquement, l’approche cognitive en neuropsychologie postule que le fonctionnement mental repose sur l’interaction de systèmes de traitement de l’information présentant chacun une certaine indépendance fonctionnelle (postulat de modula- rité). Par ailleurs, les déficits observés chez un patient peuvent être compris comme étant le résultat du fonctionnement normal d’un système de traitement de l’information amputé de certaines de ses composantes (postulat de transparence). Au plan clinique, cette évolution dans les conceptions théoriques de la neuropsychologie a conduit à la mise en cause des grands syndromes issus de la démarche anatomoclinique (tels que l’aphasie de Broca ou le syndrome de l’hémisphère droit). En effet, étant donné la complexité des systèmes cogni- tifs et la variabilité des lésions cérébrales, il semble peu plausible de considérer que deux patients appartenant au même regrou- pement syndromique manifestent des déficits cognitifs sous- jacents identiques. En conséquence, ces syndromes ne peuvent pas réellement recevoir une interprétation théorique cohérente. Une autre conséquence clinique liée à l’apparition du courant cognitif en neuropsychologie a été la mise en question de l’utilité des tests neuropsychologiques (ou psychométriques) traditionnels. En effet, ces tests n’ayant pas été explicitement conçus à partir d’un modèle théorique du fonctionnement psychologique normal, ils ne permettent pas d’aborder la diversité des déficits mise en évidence par l’approche cogni- tive. [3] Les cliniciens chevronnés pourront affirmer que leur expérience clinique leur permet d’extraire des informations utiles de ces épreuves mais, en l’absence de fondement théori- que explicite, ces informations peuvent s’avérer totalement inadéquates. ■Évaluation dans un but de revalidation et question de la validité écologique Parallèlement au déclin de leur fonction diagnostique, les neuropsychologues cliniciens ont porté un intérêt croissant pour les activités de revalidation. Dans ce contexte, les épreuves neuropsychologiques et psychométriques traditionnelles se sont également avérées de peu d’utilité dans la mesure où elles ne permettent pas réellement d’identifier une stratégie de revalida- tion efficace. Cette fonction exige en effet de formuler une hypothèse relative à la nature du déficit, de préciser les variables qui sont susceptibles d’améliorer les performances, et enfin d’identifier les capacités préservées. Le développement des pratiques de revalidation en neuropsy- chologie a également eu pour conséquence de rendre les cliniciens plus sensibles à l’impact des troubles dans la vie quotidienne. En effet, dans une perspective de revalidation, il ne suffit pas d’identifier la nature des déficits ou les capacités préservées ou résiduelles présentées par un patient. Il s’agit également de prédire les conséquences d’un trouble psychologi- que sur les activités de la vie quotidienne. De plus, il importe de mettre en place des programmes de revalidation dont les effets doivent pouvoir s’observer dans des situations de vie quotidienne. Les tests neuropsychologiques standardisés (« de laboratoire »), s’ils sont conçus sur base d’un modèle théorique, peuvent fournir des informations sur la nature et les caractéris- tiques spécifiques du déficit, mais ils n’apporteront que peu d’éléments concernant les difficultés concrètes rencontrées par les patients dans leur vie quotidienne. En effet, l’importance des difficultés cognitives d’un patient dépend en partie de son style de vie, de son niveau d’expertise, et des caractéristiques de son environnement : ainsi, le caractère plus ou moins routinier des conduites ou la présence d’un environnement protégé auront une influence importante sur la fréquence des problèmes cognitifs. Enfin, dans la vie réelle, la performance cognitive est partiellement déterminée par une série de variables (telles que la fatigue, la motivation, l’état émotionnel ou la réalisation simultanée de plusieurs activités) que les neuropsychologues en situation d’évaluation standardisée s’efforcent d’éliminer ou sont incapables de manipuler. Une façon d’envisager ce pro- blème est de considérer la distinction entre déficit, incapacité et handicap. Un déficit renvoie au dysfonctionnement affectant un mécanisme psychologique particulier, comme par exemple la difficulté de coordonner deux tâches réalisées simultanément. Une incapacité concerne les conséquences de ce dysfonctionne- ment sur certaines activités spécifiques ; par exemple, un déficit de coordination de tâches simultanées pourra perturber la conversation avec plusieurs personnes, la conduite automobile, ou encore le fait de parler en marchant. Enfin, un handicap identifie l’impact de ces incapacités sur l’adaptation de la personne à son environnement ; par exemple, une difficulté de tenir une conversation impliquant plusieurs personnes n’affec- tera pas de la même façon les patients ayant des activités sociales rares ou fréquentes. Cette question de la « validité écologique » de l’évaluation neuropsychologique nécessite la mise en place d’autres stratégies uploads/Sante/ neuropsychologie-clinique-pdf 2 .pdf

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  • Publié le Mai 12, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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