FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL 1 LE MATATIKI, ART GRAPHIQ

FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL 1 LE MATATIKI, ART GRAPHIQUE MARQUISIEN Séance de tatouage matatiki. © EkaEkaproductions, 2019. Pyrogravure de matatiki sur bambou. © EkaEkaproductions, 2019. Sculpture sur bois de fer, ébauche de matatiki (ipu et matahoata). © EkaEkaproductions, 2019. Description sommaire Le matatiki, art graphique marquisien, est un des éléments fondateurs du patrimoine culturel de l’archipel. Ces pratiques et savoir-faire, toujours vivaces, s’articulent sur les matières dures (bois, pierre, écaille, nacre...), la peau ou l’étoffe végétale. Le matatiki se décline ainsi en pétroglyphes et bas-reliefs, dans les sculptures et gravures d'objets mobiliers et bambous gravés, de même que par le tatouage et sur le tapa (étoffe d’écorce). Perdurant tout en se renouvelant, l’évolution de cet art est étroitement liée à l’histoire des Marquises : de l'installation à l'organisation des groupes humains en clans et chefferies, de l’aménagement de lieux de vie et de culte à la transposition des motifs du tatouage sur les objets sculptés, et le renouveau culturel amorcé dans les années 1970. La permanence iconographique que représente le matatiki incarne l’identité marquisienne. Le savoir associé à ce répertoire, qu’il s’agisse des noms des motifs ou de leurs significations, invoque une sacralité qui relie la communauté marquisienne aux générations d’ancêtres qui l’ont précédée. Acquérir et s’orner de matatiki peut marquer l’accomplissement d’un événement personnel, le retour au pays, ou, au contraire une réaffirmation identitaire individuelle pour les membres de la diaspora. L’aspect festif associé au tatouage et à sa monstration apparaît toujours dans les célébrations, tel le Matavaa, festival culturel des îles Marquises, qui donnent par ailleurs lieu à l’acquisition de nouveaux tatouages. FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL 2 I. IDENTIFICATION DE L'ÉLÉMENT I.1. Nom En français Le matatiki, art graphique marquisien En langue régionale Te matatiki I.2. Domaine(s) de classification, selon l’UNESCO • Connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers • Pratiques sociales, rituels et événements festifs • Savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel • Traditions et expressions orales I.3. Communauté(s), groupe(s) et individu(s) liés à la pratique Avec une démographie estimée en 2017 à 9835 habitants par l’ISPF, l’ensemble de la communauté patrimoniale de l’archipel des Marquises, soit tous les Enata/Enana (les Marquisiens), se rassemble autour de valeurs culturelles et identitaires fortes. Si les artisans sculpteurs, les fabricants de tapa et les tatoueurs sont directement concernés par la préservation et la transmission du matatiki, l’attachement de la communauté marquisienne s’exprime partout et dans de multiples aspects de leur vie quotidienne ou festive. En témoigne le nombre de Marquisiens et Marquisiennes qui arborent les motifs du matatiki sur leur peau, l’affluence de l’audience marquisienne installée dans la capitale polynésienne lors des salons biannuels, ou encore celle des Marquisiens lors des démonstrations culturelles ou compétitions de sculptures, qu’elles soient annuelles (concours du 29 juin à Ua Huka) ou lors du Matavaa, festival des arts des îles Marquises (fig. 1, fig. 5-8). I.4. Localisation physique Lieu(x) de la pratique en France L’art graphique marquisien matatiki est exclusivement originaire et pratiqué, dans sa dimension traditionnelle, dans l’archipel des Marquises, ou Te Fenua Enata/Te Henua Enana (terre des Hommes, en marquisien). Cet archipel regroupe six îles habitées : Nuku Hiva, Hiva Oa, Ua Pou, Ua Huka, Tahuata, Fatu Iva. Il est l’un des cinq archipels de la Polynésie française, collectivité d’Outre-mer. FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL 3 Fig. 1. Séance de tatouage par méthode traditionnelle au peigne. Journée du Patrimoine, Taipivai Nuku Hiva, 7 décembre 2019. © EkaEkaproductions, 2019. Pratique similaire en France et/ou à l’étranger Les motifs du matatiki sont en usage dans la pratique de nombreux tatoueurs expatriés, ou passionnés pratiquant en Polynésie française, en métropole ou ailleurs dans le monde. Cependant, si ces derniers utilisent une partie du corpus du matatiki, leur connaissance de sa symbolique reste fragmentaire et, souvent, purement formelle et esthétique. En ce sens, le patutiki (tatouage marquisien) se trouve démuni du sens profond du matatiki et perd de sa continuité traditionnelle. I.5. Description détaillée de la pratique Le matatiki « Mata-tiki » exprime, par mata, le sens de portrait ou visage, de « Tiki », le premier des Hommes, et, par filiation, l'idée d'image, ou de représentation. Les formes iconographiques du matatiki sont issues de la déstructuration à l’infini du corps de Tiki. L’art graphique du matatiki regroupe tous motifs inscrits et symboles exprimés dans l'ensemble des pratiques culturelles sur la matière. Ces motifs se retrouvent sur la peau sous la forme du patutiki, l’art du tatouage, ainsi que sous la forme du haatiki ou ketutiki, art regroupant sculptures, gravures, pétroglyphes, bambous pyrogravés ou tapa ornés (étoffes d'écorce interne battue). Au-delà de ses fonctions ornementales et sociales, cet art était intimement lié au sacré. Ces expressions graphiques possèdent un rôle apotropaïque et ancrent l’élément ou la personne qui en est porteur, dans la sacralité et la filiation généalogique perpétuée par la tradition orale. Chaque symbole était lu et compris, en lien avec l'ensemble des croyances. Les symboles du matatiki appartiennent à une esthétique aisément reconnaissable identifiée comme « art des Marquises », selon Karl von den Steinen, où « il y a la face, toujours la face », disait Paul Gauguin. La face, les yeux et tout ce qui découle de la représentation symbolisée et démembrée du corps de Tiki, global ou partiel, représente la clé de voûte de cet art et de son interprétation. FICHE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL 4 Le patutiki Te Patutiki o te Henua Enana (tatouage de la Terre des Hommes) est la forme la plus connue du matatiki. « Patutiki » se traduit littéralement par « marteler (des) Tiki », peigne et maillet du tatoueur faisant « apparaître » Tiki par le tatouage. Les caractéristiques du patutiki diffèrent ainsi des autres tatouages polynésiens principalement par ces symboles issus du corps de Tiki. Une des autres spécificités du tatouage marquisien consiste en la combinaison des formes, la taille et la densité des motifs sur le corps. Certains aspects du patutiki s'apparentent à un fond océanien partagé avec d'autres archipels, du fait de ses origines, ce qui ancre son ancienneté. Ceux-ci sont essentiellement liés à la géométrisation de formes issues du tressage, à une retranscription quasi universelle d'entités abstraites comme les astres, ou à la schématisation d'éléments de la faune et de l’Humain par des bâtonnets ou triangles. Toutefois, l'approche, l'usage et les différenciations de cette schématisation sont souvent propres à l'archipel, parfois même à une île au sein de celui-ci, de même que l’est leur portée expressive. Dans une société où l’écrit n’était pas en usage et où il fallait appartenir à cette culture pour comprendre la valeur profonde du code symbolique et pratiquer le tatouage, celui-ci, comme toute activité importante, était le fait de spécialistes : les tuhuna / tuhuka. Les motifs du patutiki prenaient forme à partir du savoir acquis auprès d'autres maîtres et l'héritage culturel dans lequel ils avaient baigné, s’enrichissant constamment par la pratique au service de leur inspiration artistique et spirituelle. Pratiquement tous les Marquisiens (les Enata/Enana) possédaient au moins quelques tatouages. Ils permettaient leur intégration sociale à l’âge adulte, en donnant à voir leur origine « clanique », leur histoire familiale et humaine, ainsi que le rôle occupé au fil de données « imprimées » sur la peau. Chacune de ces compositions se déclinait au sein d’une structure générale commune à l’archipel, dont les variations s’illustraient dans les détails d’un ensemble. Elle était ainsi unique et composée pour la personne, en fonction de l’éventail de dessins symboliques propre à son groupe et à sa position. Les étapes et le rôle du tatouage Être tatoué marquait l'entrée dans le monde des adultes (autour de 13 à 15 ans) et l'appartenance au clan. Les matatiki marquaient les événements notoires traversés par l'individu et reconnus par le groupe. Opéré dans des conditions rituelles spécifiques, le tatouage marquait aussi le passage de la vie d’enfant à celle d’adulte, l’appartenance à une communauté, une lignée ou encore les accomplissements de l’individu au cours de sa vie. Plus qu’un acte individuel, le tatouage regroupait toute la communauté dans son organisation rituelle et la célébration de sa complétion. C’était donc bien une pratique sociale, rituelle, et festive. L’esthétique des motifs du matatiki constituait également un des aspects primordiaux de leur possession : il s’agissait « d’être beau », ce que l’on devenait en étant tatoué. Ce rôle esthétique permettait d’obtenir la considération de ses pairs [cf Marie-Noëlle Ottino-Garanger, « Tatouage et conception du corps aux Marquises, Polynésie française »]. Certains de ces motifs, octroyaient la protection et la force (ou mana) qui les accompagnaient. Afin de procéder au tatouage, une fois l’accord exprimé par la famille ou le groupe et dans le respect d'un code, de rites et de fêtes, le maître tatoueur (tuhuna/tuhuka patu tiki) procédait à la préparation du pigment. Celui-ci s’obtenait par la suie de noix de bancoule (Aleurites moluccana) diluée dans l'eau stérile de la noix de coco. Entouré ou non d'aides, le tuhuna/tuhuka faisait pénétrer l'encre grâce aux petits coups précis d'un martelet sur le peigne à tatouer dentelé dont différentes formes, uploads/Societe et culture/ le-matatiki-art-graphique-marquisien.pdf

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