Jérôme THEETTEN – Octobre 2006 Jérôme THEETTEN Maître de Conférences Droit Priv
Jérôme THEETTEN – Octobre 2006 Jérôme THEETTEN Maître de Conférences Droit Privé Université de LILLE II TRAITEMENT JURIDIQUE DES ENTREPRISES EN DIFFICULTE INTRODUCTION GENERALE Ces dernières années les médias ont particulièrement relayé auprès de l’opinion la situation d’entreprises en difficulté connues de tous : AIR LIBERTE, MOULINEX, METALEUROP, EUROTUNNEL, LIBERATION, pour ne citer que quelques exemples significatifs sur les 50.000 entreprises défaillantes par an en France. Ainsi, de grandes entreprises employant des centaines voire des milliers de salariés peuvent éprouver la nécessité de se placer sous la protection des Tribunaux pour mettre en place des solutions soit de sauvetage, soit malheureusement de disparition ou plutôt de recyclage économique permettant d’assurer une transformation des emplois et des actifs afin de favoriser dans la mesure du possible un redémarrage économique, si ce n’est de l’entreprise défaillante elle-même, en tout cas des agents économiques concernés. D’une manière ou d’une autre, pratiquement tout citoyen, et pas seulement l’étudiant en droit, est concerné au sens le plus large possible par cette question des entreprises en difficultés qui n’est donc pas une matière confidentielle. Bien évidemment, il ne s’agit pas seulement des entreprises emblématiques précitées mais la plupart du temps de PME et même le plus souvent encore, de micro-entreprises allant de la personne physique qui travaille seule, commerçant de détail ou artisan, à l’entreprise multinationale pouvant employer des milliers de personnes. C’est ainsi que dans les années 1980, nous avons connu en France la disparition des chantiers navals NORMED, de BOUSSAC Saint Frères (un empire industriel dans le textile), de CREUSOT LOIRE (métallurgie). Les cycles économiques et la conjoncture expliquent ces variations d’une période à l’autre, entraînant la défaillance d’un plus ou moins grand nombre d’entreprises. Toujours dans ces considérations générales, des aspects terminologiques sont à évoquer. Ainsi dans l’esprit de la plupart des personnes le « dépôt de bilan » équivaut à la fermeture de l’entreprise. Or, cette expression de « dépôt de bilan » ne figure pas dans la législation qui en utilise d’autres : sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire… Un deuxième exemple est donné avec le mot « faillite » qui vient de faillir et porte la marque de l’échec. Jérôme THEETTEN – Octobre 2006 /2 La faillite au sens le plus large du terme est la situation de l’entreprise qui ne peut pas faire face à ses engagements, qui ne paie pas ses dettes (« un tel a fait faillite = il n’a pas payé ses créanciers »). Pour les juristes, le terme faillite désigne de manière très précise une sanction qui va écarter le chef d’entreprise fautif de la vie des affaires. Il faut aussi se demander pourquoi l’on assiste à de fréquents changements de législation en matière de traitement juridique des entreprises en difficultés ? La réponse est que le législateur est convaincu que s’il y a tant d’échecs dans ce domaine, c’est parce que la loi est inadaptée. En conséquence, pour montrer aux citoyens qu’il se préoccupe de la question, l’Etat modifie régulièrement la législation, notamment à la faveur des changements de pouvoir politique. Evoquons à présent rapidement les grandes réformes intervenues ces cinquante dernières années : Loi du 13 JUILLET 1967 sur le règlement judiciaire et la liquidation des biens, Loi du 1er MARS 1984 : sur la prévention et le règlement amiable, Loi du 25 JANVIER 1985 : sur le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, Loi du 10 JUIN 1994 : loi de toilettage, Enfin la Loi du 26 JUILLET 2005 : loi de sauvegarde des entreprises et son décret d’application du 28 DECEMBRE 2005. Cette réforme est applicable essentiellement aux procédures nouvelles ouvertes à compter du 1er JANVIER 2006. Un mot sur le droit communautaire : il n’y a pas un droit communautaire des entreprises en difficultés qui remplacerait en totalité les droits internes. En conséquence chaque Etat membre a sa propre législation interne sur la question, ce qui explique une grande variété de législations, même si certaines sont assez proches les unes des autres. Le droit belge par exemple est très proche de notre ancien droit, c’est-à-dire de la législation de 1985. En revanche, le droit français est assez éloigné du droit anglo-saxon. Il existe quand même des normes communautaires et l’on citera essentiellement un règlement communautaire du 29 MAI 2000 sur les procédures d’insolvabilité. Jérôme THEETTEN – Octobre 2006 /3 Ce texte a vocation à régler les conflits de loi pouvant exister dans le traitement juridiques des entreprises en difficulté présentant des éléments d’extranéité. Alors pourquoi, la France a-t-elle modifié récemment sa législation ? Elle l’a fait à l’instar d’un certain nombre d’états membres de l’Union européenne (les Etats Unis sont aussi en train de changer). La réponse est à rechercher dans l’évolution de l’économie et des mentalités, et dans la plus grande sensibilité des acteurs concernés ainsi que de l’ensemble de la population. Quelles sont les méthodes d’intervention et de traitement que le législateur a mises en place en France ? Selon l’état du malade, un traitement allégé tout d’abord peut être envisagé et prendre trois formes : . l’entretien présidentiel, . le mandat ad hoc, . la conciliation. Un traitement lourd se révéler nécessaire et justifier l’une des procédures suivantes : . la sauvegarde, . le redressement judiciaire, . la liquidation judiciaire. Il existe aussi des procédures d’alerte en amont qui ne seront toutefois pas traitées dans le cadre de ce cours (elles relèvent des dispositions des articles L 611-1 et suivants du code de commerce). De même, sera ici simplement évoquée la liste des tribunaux pouvant appliquer ces procédures (cf. deux décrets des 30 Décembre 2005 et 20 Février 2006). TITRE UN : LE TRAITEMENT ALLEGE DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES Ce titre sera divisé en trois chapitres : l’entretien présidentiel (articles L 611-2 et suivants), le mandat ad hoc (articles L 611-3 et suivants), la conciliation (articles L 611-4 et suivants). Ces trois techniques présentent des traits communs : il s’agit de mécanismes souples, peu judiciarisés et donc essentiellement fondés sur une démarche volontaire du chef d’entreprise et la recherche d’un accord contractuel avec les créanciers. Jérôme THEETTEN – Octobre 2006 /4 Chapitre un : l’entretien présidentiel (article L 611 – 2 du Code de Commerce) Section une : la convocation à l’entretien Paragraphe un : la compétence juridictionnelle S’agissant de la compétence d’attribution, la loi l’a attribuée au président du tribunal de commerce. S’agissant de la compétence territoriale, les personnes morales relèveront de la compétence du président du tribunal de commerce du lieu du siège alors que pour les personnes physiques, sera compétent le président du tribunal de l’adresse de l’entreprise ou de l’activité déclarée par le débiteur (article D 2). Paragraphe deux : les modalités de la convocation Selon l’article L 611- 2 I alinéa 1er, lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une société commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce. La convocation est effectuée par le greffe, par lettre recommandée avec accusé de réception et est envoyée au moins un mois avant la date de l’entretien. Il existe aussi un cas spécifique de convocation prévu par l’article L 611-2 II alinéa 2 lorsque les dirigeants d’une société commerciale n’ont pas déposé au greffe les comptes annuels; étant précisé que dans cette hypothèse, une injonction de déposer ces comptes à bref délai peut leur être adressée sous astreinte à l’initiative du président. Bien que le texte ne l’évoque pas, il peut naturellement y avoir plusieurs entretiens, le premier entretien étant alors suivi par un ou plusieurs autres qui permettront de faire le point sur l’évolution de la situation. Section deux : le déroulement de l’entretien Paragraphe un : le rôle du président L’objet de l’entretien est d’envisager les mesures propres à redresser la situation. Le président du tribunal de commerce dispose d’un pouvoir d’investigation (L611-2 I alinéa 2 et D 5) qui lui permet d’obtenir communication par les commissaires aux comptes, les membres et représentant du personnel, administrations publiques, organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services tels ceux de la Banque de France, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur. Jérôme THEETTEN – Octobre 2006 /5 Le secret professionnel ne peut être opposé au président du tribunal. A l’issue de l’entretien, un procès-verbal est établi par le président du tribunal. Paragraphe deux : le refus d’entretien L’absence du chef d’entreprise à l’entretien n’est pas sanctionnée par un texte. Dans ce cas , un procès-verbal de carence est dressé par le Greffier. Malgré l’absence de sanction prévue par la loi, le chef d’entreprise prend un risque évident à ne pas déférer à l’entretien. En effet, le président du tribunal pourra déclencher éventuellement des mesures plus contraignantes, et le tribunal être amené à considérer que ce chef d’entreprise n’est pas sérieux et ne mérite pas la confiance requise pour être maintenu à la tête de son entreprise dans la uploads/S4/ entreprises-en-difficulte-cours.pdf
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- Publié le Oct 09, 2022
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