Méthodologie du Commentaire de décision en Droit administratif par Xavier Aurey
Méthodologie du Commentaire de décision en Droit administratif par Xavier Aurey1 ATTENTION : la méthodologie d’un commentaire de décision en droit administratif est en partie différente de celle que l’on vous enseigne en droit privé. Faites attention à bien maîtriser les deux méthodes. Indications préalables à la rédaction - En droit, d’une manière aujourd’hui devenue traditionnelle, le plan d’un commentaire d’arrêt = introduction + 2 parties comprenant chacune 2 sous parties, conclusion facultative. - Le plan doit être apparent dans la copie afin de faciliter la lecture et la correction. - Il faut soigner la copie, attention à l’écriture, ne pas hésiter à sauter des lignes entre les parties et entre les paragraphes. Ne pas hésiter à structurer les sous-parties en paragraphes distincts. - Attention aux majuscules : o « Etat » comme personne morale prend une majuscule (c’est une chose qui est considérée comme une personne : figure de style appelée antonomase inversée) o Pour les institutions, seules les institutions uniques prennent une majuscule : « Conseil d’Etat », « Cour de cassation », « Conseil constitutionnel », « Sénat »… mais pas pour « cour administrative d’appel de Nantes », « tribunal administratif de Caen » (il y a plusieurs CAA ou TAA). o Pour les fonctions, seul le terme qui qualifie la fonction prend une majuscule : « ministre de la Justice », « président de la République », « Premier ministre » (sa fonction être d’être le premier). Il existe une exception pour la fonction de président de la République, si employée sans les mots « de la République », on met alors une majuscule à « Président ». - Aucune abréviation, sauf si vous l’introduisez d’abord par une référence au nom présenté en entier : ex. : « Par cet arrêt, le Conseil d’Etat (CE) juge que… » - Attention à l’orthographe et à la grammaire. Si la plupart des correcteurs n’enlèvent pas de point, les fautes rendent la lecture plus difficile, et donc ont tendance à faire diminuer l’appréciation de la copie par le correcteur. Il s’ensuit généralement une note plus faible que pour une copie où les fautes sont minimisées. 1 Lecturer (Université d’Essex, Royaume-Uni) ; Docteur en droit public (Université Panthéon-Assas). Méthodologie du Commentaire d’arrêt 2 Objectif et écueils du commentaire d’arrêt De manière générale, un commentaire est un examen critique du contenu et de la forme d’un texte en vue d’en faciliter la compréhension et l’interprétation. Comprendre et interpréter un arrêt passe ainsi par un examen méthodique du raisonnement du juge à l’aide des connaissances acquises par l’étudiant. Pour cela, il faut resituer l’arrêt dans un mouvement jurisprudentiel et expliquer la solution retenue par le juge au regard de ce mouvement. Le commentaire d’arrêt, tout comme la dissertation, n’est en ce sens pas une récitation du cours. Les connaissances sont ici au service de l’explication du raisonnement et de la solution retenue par le juge administratif. Un juriste n’est en rien un perroquet savant ou un ordinateur, mais une personne douée de raisonnement. Comme le souligne très justement Alexandre Ciaudo, « Vous n’êtes pas payé au poids de la copie ni à l’étendue de vos connaissances »2. Attention, un commentaire n’est pas non plus une dissertation sur le thème de l’arrêt. Dans une dissertation, vous utilisez la jurisprudence comme un exemple au soutien de votre démonstration. Dans un commentaire, vous partez de l’arrêt pour expliquer et critiquer la démarche juridique adoptée par le juge en l’espèce. Commencez toujours vos développements par un court extrait de l’arrêt ou la reformulation d’un passage de l’arrêt. Attention toutefois à ne pas vous limiter à ce seul élément, sauf à tomber dans la paraphrase. Le dernier écueil à éviter est en effet celui de la paraphrase, au sens péjoratif. Si l’on en croit les académiciens et leur dictionnaire, la paraphrase est ainsi un « Commentaire verbeux et diffus d’un texte, qui le répète sans l’éclairer »3. Commenter n’est en effet pas reformuler, mais ajouter au texte pour en éclairer le sens. Phase préparatoire du commentaire 1. Bien lire la décision/l’arrêt. Plusieurs lectures attentives sont indispensables pour en comprendre le sens et les enjeux (cela peut sembler aller de soi, mais nombreux sont les étudiants à faire des erreurs en raison d’une mauvaise lecture). 2. Identifier le thème général (police administrative, service public, acte administratif…). 3. Identifier la structure de l’arrêt (visas, motifs/considérants, dispositif) et surligner tous les mots de liaison (alors que, par ailleurs, que…). Ces derniers vont vous aider à comprendre les étapes du raisonnement du juge. Dans un même considérant, chacun de ces mots sert à introduire un nouvel élément. Faites de même avec les verbes (implique, démontre…), adverbes et locutions adverbiales (ne… pas, ne… que, cependant, toutefois, en principe, par exception…), prépositions et locutions prépositives (sauf, y compris, au contraire de, à compter de, à cause de…) permettant l’expression d’un raisonnement. 2 Alexandre Ciaudo, « Une méthode du commentaire d’arrêt », Le Blog Droit Administratif, 7 mai 2007 <http://blogdroitadministratif.net/2007/05/07/une-methode-du-commentaire-d-arret/>. 3 Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition. Méthodologie du Commentaire d’arrêt 3 Pensez à numéroter les considérants (si ce n’est pas déjà présent). Cela vous aidera dans votre analyse, puis dans vos développements à l’écrit. 4. Identifier le(s) considérant(s) de principe (attention, il n’y en a pas toujours un dans chaque arrêt, et il y en a très rarement plusieurs dans un seul arrêt). Le considérant de principe est ce paragraphe de l’arrêt énoncé dans des termes généraux et impersonnels (c’est-à-dire sans références aux faits de l’espèce) et qui est placé avant l’examen du ou des moyens. Il pose une certaine interprétation d’une règle de droit. Il est en ce sens fondamental pour votre commentaire. S’il contient plusieurs éléments, il faudra les analyser tous sans rien oublier (faites bien attention aux mots de liaison présents). Arrêt de principe : un arrêt de principe est celui où la juridiction introduit pour la première fois une certaine interprétation du droit (évolution d’une interprétation antérieure, voire revirement de jurisprudence). Dans ces cas-là, et pour préserver la sécurité juridique, il arrive souvent au Conseil d’Etat de présenter cette nouvelle interprétation dans une affaire où elle ne trouvera pas directement à s’appliquer (Ex. : Le Conseil d’Etat présente un nouveau critère pour une exception à un principe, dans une affaire où cette exception ne s’applique pas). Le Conseil d’Etat prévient ainsi de l’évolution de sa jurisprudence pour les affaires à venir. Attention, tout arrêt comportant un considérant de principe n’est pas forcément un arrêt de principe. Il arrive en effet très souvent aux juridictions de rappeler dans un arrêt un considérant de principe énoncé pour la première fois dans une affaire antérieure. 5. Etablir une fiche d’arrêt (elle servira de matériau principal pour votre introduction). Je vous renvoie pour cela à la « Méthodologie de la fiche d’arrêt en droit administratif ». Phase d’analyse Une bonne analyse d’arrêt permet de dégager le sens, la valeur et la portée de l’arrêt (selon le triptyque le plus connu) : - Sens : c’est l’identification et l’explication du raisonnement du juge ; - Valeur : c’est l’examen critique du raisonnement du juge ; - Portée : c’est le fait de replacer l’arrêt dans un mouvement jurisprudentiel en déterminant ses apports (arrêt de principe/revirement, de précision, d’explicitation, de confirmation…) ou son absence d’apport (simple arrêt d’application d’une jurisprudence établie). Pour arriver à cela, il est nécessaire de suivre une méthode précise. L’une des méthodes pertinentes pour bien analyser un arrêt est de fonctionner sous forme de tableau. Cette méthode vous oblige à être clair et exhaustif. Elle aide également à bien identifier les différentes étapes du raisonnement du juge: 1. Commencez par noter au brouillon toutes les définitions, jurisprudences et notions de cours en lien avec le thème général de l’arrêt à commenter. Cette étape de Méthodologie du Commentaire d’arrêt 4 mobilisation des connaissances permet de poser les bases de l’analyse (et lors d’un examen de limiter le stress). Certains éléments de connaissance vous reviendront également pendant l’analyse. 2. Ensuite, remplissez votre tableau selon le modèle suivant : Cons. Elément de l’arrêt Il s’agit d’inscrire ici une idée par ligne (un même considérant regroupe généralement plusieurs idées). Veillez bien à n’oublier aucun passage ! Identification et explication du raisonnement (sens) Il s’agit d’identifier la règle juridique appliquée, et d’expliquer sa mise en œuvre dans les faits de l’espèce. Compléter/ critiquer (valeur) : Il s’agit notamment de rappeler les règles écartées et de contrôler la logique à l’œuvre dans la décision. 1 « citation 1 » ou idée 1 1 « citation 2 » ou idée 2 … … … … 3. A partir de ce tableau, vous devez avoir une bonne idée des étapes dans le raisonnement du juge. Elles vont vous servir dans la construction de votre plan. 4. Vous devez également avoir une bonne idée de la portée de l’arrêt. On retrouve cette portée dans toutes les cases du tableau où l’arrêt apparaît comme se distinguant de la jurisprudence existante. Un raisonnement peut se différencier de l’existant de plusieurs manières, uploads/S4/ methodologie-commentaire-arret-da.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 17, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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