332640103.doc RENAUD BARBARAS Le corps et l’esprit Cours de préparation à l’agr

332640103.doc RENAUD BARBARAS Le corps et l’esprit Cours de préparation à l’agrégation 2004, Paris I [note Muller : un contrepoint à cet excellent cours est l’excellent Descombes, La Denrée mentale.] [COURS N° 1 DU 17/11/03] (PRISE DE NOTES MULLER) La bibliographie donnée ici ne comportera que les auteur importants pour la problématique traitée, sachant que la bibliographie classique acquise : Hans Jonas, Le Phénomène de la vie, de Boeck ; Bergson, Matière et mémoire, l’Evolution créatrice et l’Energie spirituelle (« L’âme et le corps » et « Le cerveau et la pensée ») ; Raymond Ruyer, La Conscience et le corps ; Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition de la pensée ; Kurt Goldstein, La Structure de l’organisme ; Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception , Les Relations de l’âme et du corps chez Malebranche, Biran, Bergson , L’œil et l’esprit, le Visible et l’invisible ; Patocka, Le monde naturel et le mouvement de l’existence humaine, Klouwer ; Aristote, De Anima, Métaphysique. L’ordre donné respecte en gros le mouvement du cours. Cf. aussi un collectif chez Ellipses, correct pour l’histoire de la philosophie classique. i. Introduction générale : analyse conceptuelle et mise en place de la problématique En dépit du titre du cours, on en fera pas une problématique générale, mais on adoptera un angle d’attaque précis, singulier. Les grands auteurs classiques sont censés connus. Il y aura deux temps : une mise en place terminologique et donc conceptuelle, puis une problématique. 2) Terminologie et analyse conceptuelle de l’énoncé Partons des termes mêmes. a) « Le corps » Le corps, dans cet énoncé, renvoie au corps vivant ou au corps propre, bref au corps vécu et non pas aux corps, aux fragments de matière. C’est le corps phénoménal, le Leib, qui vient de leben, et pas le Körper. Si on regarde les définitions du Lalande, il est frappant que le corps soit défini d’abord comme tout objet matériel, puis seulement ensuite vient le corps humain, par opposition à l’esprit. Avant même d’évoquer le concept d’esprit, on voit que le corps, propre, humain, notre corps, est saisi par opposition à l’esprit ; l’esprit intervient dans la définition du corps. Il faudra se demander ce qui distingue mon corps, c’est-à-dire le corps humain pour rester neutre, des autres corps, puisque comme l’atteste le terme même, mon corps n’est d’abord qu’un corps ; qu’est-ce qui le spécifie comme humain ? la seule réponse de prime abord, c’est qu’il a l’esprit. Il est vrai que comme vivant, il se distingue des corps inertes, mais c’est bien sûr comme spirituel qu’il se distingue des corps vivants. Donc comme propre, humain, de prime abord le corps ne peut être spécifié que par l’esprit ; cette situation, sémantique, est paradoxale. Alors même que notre corps comme corps, comme Körper, s’oppose à l’esprit, il ne peut être distingué comme notre corps que dans sa relation à l’esprit. Donc le vocabulaire fait apparaître la conjonction d’une opposition métaphysique (le corps, 1 Page 1 332640103.doc c’est ce qui n’est pas l’esprit) et d’une relation constitutive (mon corps, c’est ce qui a l’esprit.). b) « L’esprit » Pour l’esprit, c’est plus compliqué. C’est ce qui ne relève pas de la corporéité, donc c’est la réalité pensante en général, le sujet de la représentation par opposition à l’objet de la représentation, dit Lalande dans une définition très extensive. On peut le situer dans trois systèmes d’opposition métaphysique, pour le saisir ainsi. 1) l’esprit, c’est ce qui s’oppose à la matière. C’est la plus fondamentale : à dire vrai, il ne s’oppose pas aux corps, mais à la matière, aux corps en général. Il est le non- matériel. 2) l’esprit s’oppose à la nature, selon trois modalités : comme le principe producteur à sa production (Hegel par excellence : la nature, c’est l’être produit), comme la liberté à la nécessité, comme la réflexion à la spontanéité. On peut dire que l’opposition de l’esprit à la chair, ancienne et topique, peut être considérée comme une spécification de l’opposition à la nature : c’est la différence de la réflexion par rapport à l’instinct, aux passions. 3) opposition plus restreinte, qui se situe dans une perspective non plus métaphysique mais psychologique ou gnoséologique : l’esprit sera opposé, en tant qu’intelligence ou raison, à la sensibilité. La question qui se pose d’emblée, et qui n’est pas facile en elle-même, c’est celle du rapport de l’esprit à des concepts proches, comme d’une part l’âme, d’autre part le psychisme. (i) Esprit et âme Le corps et l’esprit, ce n’est pas l’âme et le corps. La définition que propose Lalande est intéressante : l’âme, c’est le principe de la vie (Aristote), de la pensée (Descartes) ou des deux à la fois, en tant qu’il est considéré comme une réalité distincte du corps par lequel il manifeste son activité. L’important, c’est à nouveau la relation constitutive de l’âme au corps, du moins du point de vue de la manifestation. C’est par le corps que l’âme manifeste son activité. Définir l’âme comme vie, c’est mettre au premier plan la relation constitutive au corps : c’est le cas chez Aristote, puisque la vie n’est pas pensable sans l’organisme dont Aristote dira qu’elle est l’entéléchie première. Cette définition de l’âme est donc l’exact symétrique de celle du corps dont nous sommes partis. En effet, le corps est ce qui est opposé à l’esprit mais ne se distingue comme corps propre que par sa relation à lui ; de même, l’âme s’oppose au corps mais en raison de ce que nous venons de dire, elle n’est âme qu’en tant qu’elle est âme d’un corps, si bien que même si l’âme s’oppose au corps, c’est sa relation constitutive au corps qui la spécifie comme âme : là aussi, opposition métaphysique et conjonction constitutive à la fois, comme pour mon corps. D’où le caractère topique, traditionnel de l’opposition âme / corps, puisque les des deux termes supposent une relation l’un à l’autre dans leur définition. Cette définition de l’âme nous permet de clarifier et de situer le concept de l’esprit. On pourrait dire que l’âme, c’est l’esprit saisi justement du point de vue d’une relation constitutive au corps ; c’est l’esprit en tant qu’il a un corps dont il se distingue : c’est une question de point de vue. L’esprit en tant qu’il se manifeste et s’individue dans un corps, en tant qu’il a un corps. De sorte qu’on peut complexifier la symétrie, qui est entre la distinction corps quelconque / corps humain et la distinction esprit / âme. En effet, l’esprit serait du côté du corps quelconque, l’âme du côté du corps humain, et c’est par leur relation mutuelle que corps et âme deviennent corps et âme. En effet, l’esprit s’oppose métaphysiquement et généralement à la matière, c’est-à-dire au corps quelconque ; or, le corps quelconque, c’est-à-dire la matière, se spécifie comme corps humain, corps proprement dit, en tant qu’il a l’esprit. et symétriquement, l’esprit se spécifie comme âme en tant qu’il devient esprit d’un corps. En droit, l’esprit n’est pas nécessairement esprit d’un corps : esprit divin. Mais l’âme est en droit âme d’un corps. La matière et l’esprit se muent en corps humain et âme en tant qu’ils rentrent dans une relation constitutive par delà leur différence métaphysique. Donc l’esprit et le corps 2 Page 2 332640103.doc sont esprit en corps tant qu’ils sont saisis dans leur différence métaphysique, et âme et corps quand ils sont saisis dans leur relation constitutive. Cela dit, on peut préciser le rapport de l’XX. l’incarnation est un processus de mondanéisation : par le corps, l’esprit vient au monde, dans le monde ; et l’âme, c’est l’esprit mondanéisé, devenu étant dans sa relation au corps. Par là même, l’incarnation est individuation : l’âme, c’est l’esprit en tant que lié à tel corps. Cela étant rappelé, on peut dire que l’esprit, par différence avec l’âme, nomme l’âme en sa teneur métaphysique, c’est-à-dire en tant que principe opposé à la matière. La différence des deux serait donc, selon trois point de vue : 1) l’esprit nomme l’âme en sa teneur métaphysique, c’est-à-dire en tant que principe opposé à la matière alors que l’âme, c’est l’esprit sous sa modalité effective ou concrète, c’est-à-dire mondaine, en tant qu’il est susceptible d’appartenir à un corps, de se lier à un corps. L’esprit se spécifie comme âme en tant que lié à un fragment de matière. 2) du coup, corrélativement, l’esprit nomme l’âme en sa dimension universelle, non-individuée, alors que l’âme nomme l’esprit en sa dimension individuelle, ou individuée, c’est-à-dire reliée à un fragment de matière. Chaque terme ne peut être caractérisé que par sa différence à l’autre. l’esprit, c’est ce qui dans l’âme échappe à la singularisation inhérente à l’incarnation. c’est pourquoi 3) l’esprit peut être saisi enfin comme une dimension de l’âme elle-même, à savoir précisément, et là on comprend un des usages les plus courants de l’esprit, comme ce qui demeure universel en elle, parce que délié de l’incarnation. c’est la dimension de l’intellectualité ou de la raison. En effet, l’âme peut uploads/Philosophie/ corps-et-esprit-barbaras.pdf

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