Ministère de la Culture et de la Communication Collection Ethnologie de la Fran

Ministère de la Culture et de la Communication Collection Ethnologie de la France Béatrix Le Wita NI VUE NI CONNUE Approche ethnographique de la culture bourgeoise Collection Ethnologie de la France La collection Ethnologie de la France présente des recherches soutenues dans le domaine du patrimoine ethnologique par la direction du Patri- moine du ministère de la Culture et de la Communication. 1 - 2- 3 - 4 - 5 - 6 - 7- 8- Dans la collection Sabine Chalvon-Demersay, Le triangle du X/Ve. Des nouveaux ha- bitants dans un vieux quartier de Paris, 1984, IV-177 p. Geneviève Delbos et Paul Jorion, La transmission des savoirs, 1984, 310 p. Christiane Amiel, Les fruits de la vigne. Représentations de l'en- vironnement naturel en Languedoc, 1985 VI-134 p. Bertrand Hell, Entre chien et loup. Faits et dits de chasse dans la France de l'Est, 1985, VI-230 p. Evely. ne Desbois, Yves Jeanneau, Bruno Mattéi, La foi des char- bonniers. Les mineurs dans la Bataille du charbon 1945-1947 1986, IV-194 p. ' Pierre Lieutaghi, L 'herbe qui renouvelle. Un aspect de la méde- cine tra~itionnelle en Haute-Provence, 1986, N-3 74 p. Isac Chiva et Utz Jeggle (Essai réunis par), Ethnologies en miroir. La .F:an~e et les pays de langue allemande, 1987, VIIl-398 p. Noelie Vialles, Le sang et la chair. Les abattoirs des pays de l'Adour, Préface de Françoise Héritier-Augé, 1987, VIIl-160 p. A paraître 10 - Bernadette Lizet, La bête noire. La création d'une race cheva- line de gros trait dans la Nièvre. f// C, QO FFIS L & 71 t?YY E_;cB Ministère de la Culture et de la Communication Direction du Patrimoine Collection Ethnologie de la France Béatrix le Wita NI VUE NI CONNUE Approche ethnographi~ue de la culture bourgeoise Éditions de la Maison des sciences de l'homme Paris Maison des sciences de l'homme - Bibliothèque Eléments de catalogage avant publication LE WITA, Béat1ix Ni vue ni connue : approche ethnographique de la culture bourgeoise / Béatrix Le Wita ; (pub!. pa1 le] Ministère de la culture et de la communication, Mission du patrimoine ethnologique. - Paiis : Ed. de la Maison des sciences de l'homme 1988. - 200 p. : il!., tabl. ; 23 cm. - (Ethnologie de la France, ISSN 0758-5888 '. 9). ' Bibliogr. p.189-195. - ISBN 2-7351-0276-9. Copyright 1988 Fondation de la Maison des sciences de l'homme ISSN 0758-5888 Imprimé en France Photographie de la couverture Hugues Langlois Coordination de la collection Cluistine Langlois Mission du Patrimoine ethnologique Relecture Georges Préli Susanne Faraut Responsable de fabrication, conception et couverture Raymonde Aicier Introduction La bourgeoisie est toujours la copie de la Cour, dit Scarron et répètent après lui les dictionnaires de langue, soucieux de trans- mettre l'héritage. Soit. Mais quelques siècles plus tard, on peut sans doute créditer la culture bourgeoise d'avoir acquis une certaine auto- nomie. Les bourgeois, eux-mêmes, ne revendiquent-ils pas d'ailleurs une culture et n'affirment-ils pas aujourd'hui leur légitimité ? Ce long processus de légitimation n'est pas éloigné, au fond, dans ses modalités, de celui qui a présidé à la « fabrication » de la noblesse. Rappelons quelques faits : le mot noblesse ne triomphe de celui de gentilhomme, de magnat ou de riche homme que tardivement, dans la première moitié du XIV• siècle. Au XI• siècle, la référence aux ancêtres ne définissait pas ce riche personnage. L'horizontalité, selon une formule de G . Duby, ne cédera que peu à peu le pas à la verticalité. D'une manière générale, les historiens concluent tous à l'extrême diversité de la noblesse même si ce monde social connut très vite le sentiment d'appartenir à un corps immuable et hérédi- taire (Contamine 1976). Dans les années 50 de ce siècle, la bourgeoisie se dote, elle aussi, de recueils généalogiques. Ce faisant, elle peut faire état, à son tour, d'une légitimité fondée non sur le sang mais sur l'ancien- neté. Ces généalogies commencent d'ailleurs à se constituer au moment où s'affirme une continuité dans le statut de bourgeois. De laboureur à PDG d'une grande entreprise, le chemin parcouru nous éloigne, semble-t-il, du privilège de la naissance ou de la qualité native. Mais ce n'est pas le laboureur qui importe, ce sont les trois ou quatre générations qui précèdent le PDG. Manufacturiers, ren- tiers, diplômés des grandes écoles : la succession de ses ancêtres met en place une légitimité. Du sang on passera ainsi à la « civili- sation ». Aujourd'hui ces familles « légitimement » anciennes ne sont plus nécessairement aux postes de commande. Reste leur qualité d'êtres civilisées. Et le bourgeois répond à la définition de l'héritier 2 Ni vue ni connue Cl;llturel : l'idée d'une compétence supérieure ne le paralyse pas. Comme l'écrit P. Veyne: Un héritier est quelqu'un qui sait qu'il n'y a pas d'arcanes : il se présume capable d'en faire autant que ce que ses parents sont parvenus à faire et, s'il y avait des arcanes, ses parents y auraient eu accès (Veyne 1983). Au-delà donc de leur diversité, ces hommes et ces femmes se reconnaissent dans une culture qui leur est propre. De cette culture, on a longtemps fait la caricature. Ni noble, ni rustre, le bourgeois est un homme moyen, un médiocre. Prenons à la lettre ce trait spé- cifique : le bourgeois serait l'homme du milieu et ferait de ce déli- cat équilibre entre extrêmes sa niche écologique. Cette position médiane ne serait-elle pas la métaphore sociale d'une loi physique ? A l'exemple du balancier, le bourgeois tend toujours à revenir vers le milieu. Situation délicate et instable : l'attraction des pôles contraires engendre, par effet de rétro-action, l'attrait vers le centre. Nous chercherons à rendre compte de cette médiocrité, met- tant l'accent sur des détails, ces vétilles qui font, écrit M. Foucault, l'homme de l'humanisme moderne (Foucault 1975). La bourgeoisie échappe à toute mise en catégorie. Là où l'on pense la saisir, elle se dérobe. Là où l'on croit pouvoir la nommer, elle se soustrait à la définition. Pour conjurer ces dérobades per- manentes et bâtir une problématique, il nous fallut partir du mot. L'analyse des définitions de « bourgeoisie » et « bourgeois », dans divers dictionnaires de langue, orienta notre réflexion. Curieusement le mot ne semble pouvoir être défini qu'en passant par la figure de la calomnie (« Cela sent son bourgeois » ). Constatant le regard malveillant que la société française porte sur une fraction d'elle- même, on s'est interrogé alors sur les faits visés par ce dénigrement. A partir de quels éléments s'alimente la calomnie ? Paradoxalement, la réponse fit émerger des valeurs constitutives d'une culture. Les choses se précisèrent donc : rendre compte de cette culture à tra- vers l'étude de la personne bourgeoise. En clair : comment devient-on bourgeois ? Suffit-il de naître comme tel ou bien faut-il apprendre à l'être ? Vouloir affecter à la bourgeoisie une culture spécifique relève- rait d'une présomption démesurée si l'on ne précisait pas avec force les limites de ce travail. C'est d'abord un trajet personnel dans un monde inconnu de l'auteur. L'approche méthodologique renseigne sur la nature de cette Introduction 3 méconnaissance dans une société où se côtoient pourtant les dif- férents groupes sociaux. Les bourgeois ne sont pas parqués dans un coin du XVI• arrondissement. Mais pour en trouver, il fallait en connaître quelques-uns. L'aventure se compliqua d'autant que ceux qui acceptèrent d'être intermédiaires auprès de leurs pairs apparte- naient pour la plupart au milieu professionnel de la recherche. Mais fréquenter une, deux, trois personnes se reconnaissant « bourgeois », entre guillemets comme ils le précisent, n'équivaut pas à pénétrer leur univers familial, social, culturel et encore moins le « milieu » dont ils sont issus et dont ils font partie. D'aucuns se scandaliseront en entendant parler ici de milieu. D'abord les intermédiaires savants. Car il y a belle lurette que les espaces culturels doivent se penser en termes de relations, d'inter- pénétrations, de résistances, d'emprunts et non en terme de milieu, lequel procède de l'illusion d'une certaine. fermeture des groupes sociaux ou des cultures. Puis les informateurs eux-mêmes. Les bour- geois refusent d'être catégorisés. Même s'ils évoquent, au hasard des conversations, « leur milieu », ils se déclarent « ouverts aux autres » ou « comme tout le monde ». Ainsi que le suggèrent les propos satiriques d'E. Berl, on est toujours le bourgeois de quelqu'un. Le mot bourgeois est devenu, pour les bourgeois, une injure. Ils veulent une définition qui ménage, sur la sortie, une belle porte-tambour, avec blount et groom. Le mot de Flaubert : « le bourgeois pense d'une façon basse »les satisfait pleine- ment. « Façon basse ? dit le notaire ; il n'est donc pas question de moi ! » (Berl 1931). Cependant, la réalité existentielle d'un milieu original s'est impo- sée dès les premiers moments de l'enquête de terrain : aménagement et décoration de grands appartements, collection de canards ou d'œufs en onyx, vieilles et vastes demeures familiales, peintures et portraits d'ancêtres aux murs, rituel du thé pris au salon, inévita- bles pièces d'argenterie, promenades dans le parc, modes et uploads/Societe et culture/ ni-vue-ni-conue-aproche-ethnographique-de-la-culture-bourgeoise-beatrix-le-wita.pdf

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